Le nouvel échec de colmatage de la fuite de pétrole qui souille le golfe du Mexique depuis cinq semaines a été très mal vécu samedi soir par les habitants de Grand Isle, une île de Louisiane (sud) qui vit de la pêche, du tourisme et de l'industrie pétrolière.

«Je me suis installée ici 13 jours» avant le passage de l'ouragan Katrina, en 2005, explique Sandy Wright, cuisinière au restaurant Starfish où une seule table était occupée, alors que c'est le samedi soir que le restaurant réalise d'ordinaire ses plus gros bénéfices.

«J'aime cet endroit de tout mon coeur. Mais ça, ça va nous tuer», dit Sandy en parlant de la marée noire qui touche l'île.

Sandy s'essuie les yeux du revers de la main. De l'autre, elle reprend une bouffée de cigarette.

Justement. La télévision installée dans le restaurant passe les images du nouvel échec de colmatage de la fuite. Jusqu'à présent, entre 60 000 et 94 000 tonnes de pétrole se sont déversées dans le golfe du Mexique depuis la fuite qui se trouve à 1500 m de profondeur.

«Moi je pensais vraiment que la "cimentation" de la fuite allait marcher», dit Mike Becnel, un des rares clients du Starfish. «En fait, c'est très compliqué, parce que dès que BP tente quelque chose, il faut attendre quelques jours avant de savoir si ça a fonctionné».

Désormais, BP, l'exploitant de la plateforme Deepwater Horizon, et les autorités fédérales portent leurs espoirs sur l'installation d'un nouveau dispositif prévoyant de sectionner les pipelines endommagés et d'y ajuster une structure permettant de capturer le pétrole puis de le siphonner jusqu'à un navire en surface.

«Le pétrole a atteint Grand Isle 30 jours après le début de la fuite», lance Mark, le frère de Mike. «Et même une fois qu'ils auront bouché la fuite, il faudra encore attendre au moins 30 jours avant de savoir si on est tirés d'affaire».

A Grand Isle, la marée noire est peu visible. L'eau est claire, la plage est propre et il n'y a ni oiseaux englués dans du pétrole, ni animaux morts. Et pourtant, l'impact économique de la catastrophe s'est fait ressentir presque instantanément.

Sam, la serveuse du Starfish, explique que le samedi qui a précédé le drame, elle s'était fait 200 dollars en pourboires.

«Et puis tout s'est arrêté. Cet endroit devrait être plein ce soir. Au lieu de ça, on a cinq clients», se lamente-t-elle.

«Je ne suis pas allée à l'université et j'ai jamais étudié pour devenir ingénieur, mais je savais quand même qu'avec la pression qu'exercent le gaz et le pétrole qui sortent du gisement, (la tentative de colmatage) n'allait pas marcher», dit Sam, qui ne souhaite pas donner son nom de famille.

A quelques pâtés de maison du Starfish, Lawrence et Judith Saddler contemplent le coucher de soleil depuis la cime d'une dune.

Ce couple de Texans est venu à Grand Isle «parce que c'est maintenant un lieu historique», explique Lawrence. «Et puis on est aussi venus dépenser notre argent ici, pour aider les gens».

Au bas de la dune, une pancarte écrite à la main prévient le visiteur: «la plage est fermée».