Le géant pétrolier BP devait tenter dans la nuit de jeudi à vendredi une opération chirurgicale risquée dans les profondeurs du golfe du Mexique: raccorder un tuyau au puits d'où s'échappent depuis trois semaines des millions de litres de pétrole.

Alors que la pose d'un nouveau couvercle était sur le point d'être réalisée, le groupe s'est ravisé et a décidé d'installer un tube devant canaliser le brut jusqu'à un pétrolier situé en surface.

Quelque 800 000 litres de pétrole s'échappent chaque jour du forage et alimentent une vaste nappe d'or noir qui n'est plus qu'à une quinzaine de kilomètres des côtes marécageuses de Louisiane.

Ce revirement s'explique par les craintes de voir se former dans l'entonnoir des cristaux similaires à de la glace, comme ce fut le cas la semaine dernière avec le premier «couvercle», a indiqué à l'AFP un porte-parole de BP, Bryan Ferguson.

Aidés par des sous-marins télécommandés, les ingénieurs du géant pétrolier britannique vont donc essayer d'introduire un tube de 15 cm de diamètre dans le puits d'une cinquantaine de centimètres de large, a-t-il expliqué.

«Plusieurs joints attachés au tube vont aider à l'arrimer», a précisé M. Ferguson, insistant sur le fait que l'opération était loin d'être «sans risque», en raison notamment de la pression abyssale.

Si elle réussit, cela représentera un premier succès bienvenu pour BP.

Depuis l'explosion, puis le naufrage le 22 avril, de sa plateforme Deepwater Horizon, BP fait en effet l'objet d'une pression tant politique que populaire et financière.

Jeudi, le Wall Street Journal, citant deux entrepreneurs, affirmait que des tests avaient été conduits 48 heures avant l'explosion de la plateforme. Les résultats «semblaient indiquer que du gaz hautement combustible s'était infiltré dans le puits». En dépit de ces tests, BP aurait continué ses travaux de forage, selon le quotidien.

Cette analyse fait écho à une audition mercredi au Congrès lors de laquelle les élus américains qui enquêtent sur la marée noire ont affirmé disposer d'éléments indiquant qu'un dispositif crucial de sécurité «mal conçu» fuyait avant l'accident.

BP dispose toutefois d'un allier de poids: la météo. Trois semaines après l'explosion, qui a fait 11 morts, les courants et les vents continuent à ralentir la progression de la marée noire, donnant un bon coup de pouce aux 13 000 sauveteurs dépêchés par les autorités américaines en Louisiane, au Mississippi, en Alabama et en Floride.

Leur mission est tant d'installer un vaste réseau de bouées et de digues le long des côtes, que de répandre un produit devant dissoudre le pétrole ou encore de s'occuper de la faune affectée, a souligné à l'AFP le capitaine Edwin Stanton des garde-côtes qui dirige les opérations en Louisiane.

«Nous avons dispersé près de deux millions de litres de produits dispersant», a-t-il indiqué, jugeant «remarquable» que jusqu'à présent seuls dix décès d'oiseaux aient été enregistrés.

«Nous sommes prêts pour le pire», a insisté l'officier américain.

Mais à Venice, port du sud de la Louisiane où BP a installé son quartier général de crise, de nombreux chalutiers embauchés par le groupe britannique pour installer les fameuses bouées jaunes étaient bloqués à quai jeudi.

«Cela fait cinq jours qu'on attend de partir. Mais avec les vagues et le vent en ce moment, notre petit bateau ne peut pas prendre la mer», a dit à l'AFP Tyler Dupre, jeune marin qui tue le temps en grillant des cigarettes sur le pont du navire.