Au fur et à mesure que défilaient les résultats de l'élection présidentielle sur les écrans lumineux de la chaîne ABC surplombant Times Square, les visages des partisans d'Hillary Clinton s'allongeaient et s'assombrissaient.

Floride. Ohio. Caroline du Nord. Tous les États clés que Donald Trump se devait de gagner pour préserver ses chances d'être élu à la Maison-Blanche ajoutaient à tour de rôle leurs grands électeurs au total du candidat républicain.

Au milieu d'une foule de plusieurs centaines de personnes, Diana Persaud n'en croyait pas ses yeux, constatant que Trump menait non seulement dans la course aux grands électeurs, mais également dans le vote populaire.

« Je suis sans voix », a déclaré l'étudiante de 18 ans, qui avait quelques heures plus tôt participé à sa toute première élection. 

« Je ne peux pas croire qu'autant d'Américains aient pu choisir comme président un menteur, un misogyne et un raciste. » - Diana Persaud

« S'il gagne, il va nous ramener 50 ans en arrière », a enchaîné son amie, Khrystine Radowski, qui en était, elle aussi, à sa première expérience électorale. « Et dire que je me préparais à célébrer l'élection de la première femme présidente des États-Unis. »

Non loin de Times Square, plusieurs partisans de Clinton réunis au Jacob Javits Center éprouvaient la même stupeur. La candidate démocrate leur avait donné rendez-vous dans cette structure pourvue d'un plafond de verre pour célébrer ce qu'elle espérait être une victoire historique. La fête a vite pris les allures d'une veillée funèbre.

Vers 21 h, Clinton a envoyé à ses partisans un message énigmatique sur Twitter. « Cette équipe a tant de motifs d'être fière. Quoi qu'il arrive ce soir, merci pour tout », a-t-elle écrit.

Le message pouvait être interprété comme un aveu de défaite à un moment de la soirée où la plupart des partisans de Clinton refusaient encore de croire à un tel verdict.

« Il n'a pas encore remporté aucun État auquel on ne s'attendait pas », a déclaré Sean Stamper, qui avait couvert la distance entre Syracuse et New York pour célébrer la victoire de Clinton avec un drapeau qu'il n'a pas eu la chance de déployer. « Il est encore tôt », a-t-il ajouté.

Mais comment expliquerait-il une défaite de Clinton ?

Après un long silence, il a déclaré : « Ce serait le résultat d'une quantité extraordinaire de désinformation et d'une campagne de diffamation contre Hillary Clinton qui dure depuis des décennies. »

L'AFFAIRE DES COURRIELS

Même s'il refusait lui aussi d'admettre la possibilité d'une défaite, Robb Leigh Davis avait une autre théorie pour expliquer les résultats serrés de l'élection présidentielle.

« La décision du FBI de relancer l'enquête sur les courriels a causé un grand tort à la campagne de Clinton. Pendant neuf jours, Clinton a été placée sur la défensive. Avant l'intervention de James Comey, elle avait un avantage qui semblait insurmontable. » - Robb Leigh Davis

Les partisans de Clinton réunis à Times Square n'étaient pas tous originaires de New York. On y trouvait aussi des touristes étrangers, dont la Torontoise Elaine Toussaint, qui était arrivée quelques heures plus tôt avec ses deux filles et sa petite-fille pour suivre la soirée électorale américaine en plein coeur de Manhattan.

« Nous voulions vivre ce moment d'histoire en personne, pas à la télévision », a-t-elle déclaré. « Nous sommes des voisins. Le résultat de cette élection va nous toucher, que le gagnant soit Trump ou Clinton. »

« Je préfère évidemment Clinton, a-t-elle ajouté. D'abord, c'est une femme, et il est temps qu'une femme ait la chance de diriger les États-Unis. Ensuite, elle a l'expérience politique requise, alors que Trump n'en a aucune. »

Au fil de la soirée, il est devenu évident que ce manque d'expérience politique n'était pas vu comme un handicap, mais plutôt comme un atout pour des dizaines de millions d'Américains.