L'élection présidentielle américaine qui se tient mardi pourrait avoir un impact majeur sur l'ordre politique et économique mondial si le candidat républicain remporte la mise.

Thomas Wright, analyste de la Brookings Institution, pense même qu'il faut remonter aux élections tenues en Allemagne au début des années 30 pour trouver un scrutin d'une importance similaire.

Le parallèle avec les élections allemandes ayant pavé la voie à l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler ne vise pas à suggérer que Donald Trump est un dictateur en devenir, note-t-il.

Ces scrutins, note en entrevue M. Wright, sont d'intérêt parce qu'ils «ont fondamentalement altéré l'orientation d'une puissance occidentale majeure et ont eu un effet profondément déstabilisateur sur l'ordre international», ce qui serait également le cas en cas de victoire du candidat républicain, explique-t-il.

À contre-courant

Nombre d'analystes tendent à dépeindre la politique étrangère de Donald Trump comme un salmigondis de positions incohérentes.

L'étude attentive des interventions publiques du controversé homme d'affaires au cours des dernières décennies suggère en fait qu'il est attaché à quelques «valeurs centrales» qui contreviennent aux orientations traditionnelles du pays, note M. Wright.

D'abord, le candidat républicain, contrairement à son adversaire démocrate Hillary Clinton, se montre rétif à toute forme d'alliance avec d'autres pays. «Il croit que les États-Unis se font avoir dans de telles alliances et que c'est une mauvaise idée», dit M. Wright. 

Donald Trump a dénoncé à plusieurs reprises le coût du soutien militaire accordé au Japon, à la Corée du Sud et à l'Europe en relevant que l'apport américain devait être revu à la baisse ou complètement retiré.

Un retrait total ou partiel des États-Unis de l'OTAN pourrait notamment alimenter les visées expansionnistes de la Russie vers l'ouest. «Je ne pense pas que Donald Trump se préoccupe de cette question. Pour lui, c'est le problème de l'Europe», note M. Wright.

Discours isolationniste

Il faut remonter au début des années 40 pour retrouver un discours aussi isolationniste de la part d'un candidat présidentiel américain, souligne l'analyste, en relevant que l'approche du magnat de l'immobilier trouve des échos tant à gauche qu'à droite du spectre politique.

Le candidat républicain se distingue aussi par une aversion viscérale pour toute forme de traité de commerce international, relève M. Wright. «Le système actuel est ouvert et fondé sur une série de règles communes. Donald Trump veut plutôt utiliser la puissance des États-Unis pour permettre au pays de s'arroger des avantages importants.»

Le candidat républicain démontre par ailleurs depuis longtemps une «affection pour l'autoritarisme», qui est illustrée aujourd'hui par ses échanges de compliments avec le président russe Vladimir Poutine.

Il avait notamment souligné dans une entrevue en 1990 le manque de fermeté du dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev et salué la manière forte adoptée par les dirigeants chinois lors de la répression des manifestations survenues à la place Tiananmen en 1989.

«Son attitude découle peut-être du fait qu'il se voit lui-même comme un homme fort, un homme d'action qui n'a pas le temps de s'occuper de règles et de contraintes», relève M. Wright.

Les valeurs défendues au fil des ans par Donald Trump sont d'autant plus préoccupantes que le président américain dispose de larges pouvoirs en matière de politique étrangère et pourrait aller de l'avant avec plusieurs changements majeurs s'il était élu, sans égard aux orientations préconisées par le Congrès.

«Il est beaucoup plus idéologique que les gens ne le croient. Et je pense qu'il est erroné de penser qu'il va revoir son point de vue en cas de victoire», relève M. Wright.

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L'ÉLECTION DANS L'OEIL DES MÉDIAS

Hindustan Times : Le journal indien note que les politiciens locaux ont pour habitude de dire que les présidents républicains sont plus favorables aux intérêts du pays que les présidents démocrates. Donald Trump, souligne la publication, n'est cependant pas un «républicain traditionnel» et est entouré de conseillers en politique étrangère qui peuvent être décrits «charitablement» comme des «non-professionnels». Hillary Clinton, à l'inverse, est une politicienne «pragmatique» capable de comprendre l'importance de maintenir de bonnes relations avec New Delhi et constitue un «choix évident» pour l'Inde, souligne le quotidien.

The Guardian : Dans l'esprit du quotidien de gauche, l'affaire est entendue : une victoire de Donald Trump représenterait un «saut dans le vide» qui déboucherait sur plus de confrontations sur la scène internationale. «Son chauvinisme, son amour des armes, son impulsivité et sa propension à mettre l'Amérique d'abord sont autant de dangers», souligne le journal. Hillary Clinton, à l'inverse, est présentée comme une «politicienne d'expérience» avec le bagage qu'il faut pour gérer des dossiers difficiles comme la crise en Afghanistan, la fermeture projetée de la prison de Guantánamo ou encore l'encadrement des pratiques de surveillance de la National Security Agency (NSA).

Global Times : Comme d'autres médias relayant le point de vue du gouvernement en place à Pékin, le Global Times met en relief les faiblesses du système électoral américain pour contrer les critiques ciblant le gouvernement chinois. Le quotidien a relevé récemment la part de subjectivité manifestée par les médias américains dans leur couverture de la campagne en cours pour dénoncer la manière dont ces mêmes médias relaient «systématiquement» des nouvelles négatives sur la Chine. Un autre éditorial indique que les insultes que se lancent les candidats pourraient être attribuables au système électoral lui-même. «La course vers le bas va continuer à tromper la population et les amener à repenser la valeur de la démocratie», indique le journal.