Le colistier de Donald Trump, Mike Pence, a appelé mardi à bombarder les forces du président syrien Bachar al-Assad, une position opposée à celle du candidat républicain et qui illustre l'absence de consensus politique aux États-Unis pour contrer Damas et Moscou.

Avec les États-Unis de Barack Obama refusant de s'impliquer dans la guerre civile syrienne, le président russe Vladimir Poutine profite de la campagne électorale américaine pour dominer en Syrie, en attendant l'arrivée au pouvoir en janvier 2017 d'un imprévisible président Trump, ou d'une présidente Clinton éventuellement plus interventionniste.

En politique étrangère, Donald Trump n'a pas établi de doctrine claire.

D'une part, il a promis de réduire le groupe djihadiste État islamique (EI) en cendres, recourant à un langage martial. Il se lamente que l'armée américaine soit infectée par le poison du « politiquement correct » et promet de lâcher la bride des généraux - rendant souvent hommage à la poigne du mythique général Douglas MacArthur.

Lors d'un débat en mars, il s'était dit favorable à l'envoi de 20 000 ou 30 000 soldats en Syrie et en Irak.

Mais il est d'autre part partisan d'une nouvelle forme d'isolationnisme, martelant que les États-Unis ne pouvaient pas être les gendarmes du monde et devaient réduire l'aide étrangère. Il clame que les interventions en Irak et en Libye furent des erreurs.

Quant à Bachar al-Assad, Donald Trump n'a jamais appelé à son renversement par la force, affirmant en substance qu'il valait mieux laisser le régime et l'EI s'entretuer.

« Assad hait l'EI, l'EI hait Assad. Ils se battent l'un contre l'autre, et on est censé combattre les deux ? » avait-il dit au New York Times en juillet. « L'EI est une bien plus grande menace contre nous qu'Assad ».

Mais Mike Pence a adopté la position inverse lors du débat télévisé l'opposant mardi au colistier d'Hillary Clinton, Tim Kaine : « Les États-Unis doivent commencer à exercer un leadership fort pour protéger les citoyens vulnérables et les plus de 100 000 enfants d'Alep ».

Puis il a appelé à l'établissement de zones de sécurité. « Et si la Russie choisit et continue d'être impliquée dans cette attaque barbare contre les civils d'Alep, les États-Unis d'Amérique devraient utiliser la force militaire pour frapper des cibles militaires du régime Assad afin d'empêcher cette crise humanitaire à Alep ».

Au passage, Mike Pence a également traité Vladimir Poutine de « petit dirigeant harceleur » qui parvient malgré tout à dicter ses termes à Washington. Donald Trump, lui, a salué les qualités de « leader » du président russe.

Poutine en profite

Les déclarations de Mike Pence illustrent le flou général de la politique étrangère de Donald Trump, mais aussi les tensions, au-delà des divisions partisanes américaines, entre les tenants d'une implication plus forte des États-Unis et ceux d'une approche plus passive.

Chez les démocrates, Hillary Clinton est ainsi plus interventionniste que son allié Barack Obama, dont elle fut la première secrétaire d'État, en 2009.

Elle a appelé à la création d'une zone d'interdiction aérienne, ce qui pourrait impliquer, selon des experts militaires, des bombardements directs sur les défenses aériennes syriennes, et elle avait soutenu en 2013 une intervention après l'usage d'armes chimiques par le régime.

Mais elle s'est engagée à n'envoyer aucun contingent militaire au sol - en dehors des forces spéciales déjà présentes.

Son successeur à la tête de la diplomatie, John Kerry, a poussé Barack Obama à user de la force pour mettre fin au conflit. « J'ai perdu » ce débat interne à l'administration, a-t-il reconnu, lors d'une réunion avec des civils syriens.

Une amertume accentuée par l'échec fin septembre de la trêve négociée par Washington et Moscou, et la relance des bombardements russes et syriens sur Alep, deuxième ville du pays.

Le président américain reconnaît que la crise syrienne le « hante en permanence ». Mais il ne croit pas qu'une intervention aurait changé le cours de la guerre. En mars, il s'était dit « très fier » d'avoir résisté aux pressions de l'automne 2013 pour une intervention.

In fine, « on ne peut faire confiance à aucun des deux candidats », se lamente Danielle Pletka, du centre de réflexion conservateur American Enterprise Institute.

« Les huit dernières années ont enhardi Poutine et Pékin », dit-elle à l'AFP, « et il ne fait aucun doute que cette instabilité et cette indécision vont encore plus les enhardir », prédit cette conservatrice.