Vous êtes à la tête de la diplomatie américaine. Durant un vol vers la Russie, vous envoyez à l'adresse électronique hautement sécurisée du président des États-Unis un message à partir de votre compte de courriel personnel. Le sujet : le programme des drones américain. Ne craignez-vous pas de mettre en danger des informations classées secrètes en communiquant ainsi ?

Si vous vous appelez Hillary Clinton, l'idée ne vous effleure même pas l'esprit. C'est du moins ce qui ressort du résumé de l'interrogatoire de l'ancienne secrétaire d'État mené par des agents du FBI le 2 juillet dernier. « Clinton a indiqué que les délibérations concernant une frappe de drone future ne lui avaient pas causé de souci en matière de classification », peut-on lire dans ce document rendu public vendredi dernier.

« Clinton estimait que ce type de communication faisait partie du processus de délibération routinier », lit-on dans le résumé de l'interrogatoire du FBI

Hillary Clinton a-t-elle menti aux enquêteurs du FBI ? Ceux-ci, rappelons-le, cherchaient à déterminer si l'ancienne secrétaire d'État avait violé la loi en envoyant ou en recevant sciemment des informations classifiées par le truchement de sa messagerie privée. Bien sûr, le directeur de l'agence fédérale, James Comey, a choisi de ne pas contredire la version de la candidate démocrate à la présidence. Le 5 juillet dernier, il a recommandé de ne pas poursuivre Clinton pour ses courriels, se contentant de dénoncer son « extrême négligence ».

IGNORANCE ET TROUS DE MÉMOIRE

Mais l'honnêteté de Clinton est de nouveau mise en cause par la publication du rapport d'enquête du FBI sur ses courriels. Le document de 58 pages contient plusieurs détails qui pourraient servir de guide aux accusés désireux d'éviter de s'incriminer.

Clinton a ainsi plaidé l'ignorance lorsque les enquêteurs du FBI l'ont questionnée sur la présence de la lettre « C », pour « confidentiel », au début de certains paragraphes de trois courriels ayant transité par son serveur privé. Elle a répondu qu'elle pensait que cette lettre était une façon alphabétique d'ordonner les paragraphes, et non une indication du caractère classifié des informations s'y trouvant.

Clinton a également invoqué des trous de mémoire à 41 reprises au cours de son interrogatoire avec les enquêteurs du FBI.

De la part d'une politicienne qui a la réputation d'être studieuse, bûcheuse et rigoureuse, c'est étonnant.

Les notes du FBI contiennent certes des conclusions susceptibles de réconforter l'équipe de Clinton et ses plus ardents supporteurs. « Clinton n'a jamais supprimé, ou n'a jamais donné l'ordre à quiconque de supprimer, des courriels afin d'éviter de se soumettre à la loi sur les documents fédéraux, la loi sur la liberté de l'information ou les demandes d'information du département d'État ou du FBI », note le rapport du FBI.

Mais l'ensemble du document n'est pas de nature à rassurer les adultes américains qui ont une opinion défavorable de Clinton. Selon un récent sondage Washington Post/ABC News, ceux-ci représentent 59 % de l'électorat (contre 60 % pour Donald Trump).

L'affaire des courriels n'est pas la seule cause de cette impopularité. Au cours des dernières semaines, Clinton a également été éclaboussée par une série de révélations sur des liens entre le département d'État sous sa direction et la fondation philanthropique créée en 1999 par son mari. Les médias n'ont pas démontré que Clinton avait accordé des traitements de faveur aux donateurs de la fondation, mais les adversaires de la démocrate ne se gênent pas pour le faire.

DÉTAILS BIZARRES ET SUSPECTS

Les défenseurs de Clinton n'ont peut-être pas tort de dire que la candidate fait l'objet d'un examen public unique dans les annales politiques américaines. Depuis les années 90, des organisations conservatrices comme Judicial Watch et Citizens United multiplient les démarches juridiques et administratives pour obtenir des documents susceptibles d'incriminer les Clinton. Et même si elle refuse de l'admettre, Hillary Clinton a probablement voulu échapper à l'acharnement de ces organisations et de leurs alliés du Congrès en recourant à une messagerie privée lorsqu'elle était secrétaire d'État.

Peine perdue. Résultat : les Américains peuvent aujourd'hui lire dans le rapport d'enquête du FBI sur les courriels de Clinton ces détails à la fois bizarres et suspects : au moins deux des 13 appareils BlackBerry utilisés par Clinton de 2009 à 2013 ont été détruits à coups de marteau ; un ordinateur portable contenant des courriels de Clinton s'est volatilisé ; un informaticien non identifié a utilisé un logiciel appelé BleachIt pour supprimer un fichier dans lequel avaient été archivés des courriels de Clinton, alors que tous les courriels de l'ancienne secrétaire d'État avaient été réclamés par une commission du Congrès.

Clinton a dit aux enquêteurs du FBI qu'elle n'était pas au courant de ces faits au moment où ils sont survenus. La croyez-vous ?