Rudolph Giuliani, solide comme un roc après les attentats du 11 septembre 2001, a cultivé la peur, rejetant la célèbre exhortation du président Franklin Roosevelt selon laquelle « la seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même ».

« La vaste majorité des Américains ne se sentent pas en sécurité », a déclaré l'ancien maire de New York à la tribune de la convention républicaine de Cleveland, lundi soir. « Ils ont peur pour leurs enfants. Ils ont peur pour eux-mêmes. Ils ont peur pour nos policiers, qui sont ciblés », a-t-il ajouté en décrivant les États-Unis comme un pays en proie à une criminalité galopante.

Chris Christie, ministre de la Justice potentiel au sein d'une administration dirigée par Donald Trump, s'est chargé de la haine, soumettant Hillary Clinton à un simulacre de procès devant une foule survoltée.

« Coupable ou non coupable ? », a demandé le gouverneur du New Jersey, mardi soir, aux milliers de délégués républicains après chacun des chefs d'accusation qu'il a retenus contre la candidate démocrate à la présidence.

« Coupable ! », ont répondu les délégués, qui ont également scandé un slogan qui avait déjà résonné la veille entre les murs du Quicken Loans Arena : « Enfermez-la ! Enfermez-la ! »

La peur et la haine. Ce soir, en acceptant l'investiture républicaine, Donald Trump aura la chance d'ajouter d'autres ingrédients à la formule qui pourrait lui permettre de remporter l'élection présidentielle de 2016. Mais ces deux-là ont marqué les premières soirées de la convention de Cleveland, dont l'efficacité n'a pas fait l'unanimité, et pas seulement à cause de la controverse autour du discours de Melania Trump.

« Je pense qu'ils ont mal joué la carte de la peur. La première soirée de la convention était trop crue, trop négative. » - Richard Perloff, professeur de communications et de science politique à la Cleveland State University

Et la deuxième ? « C'était un peu trop méchant, trop exagéré », a-t-il affirmé en faisant allusion au discours de Christie et au slogan appelant à l'emprisonnement de Clinton. « Cela ne fonctionnera pas auprès de l'électorat général. »

Qu'à cela ne tienne, la peur et la haine devraient occuper une place importante dans la stratégie de Donald Trump d'ici le 8 novembre.

LES « ÉTRANGERS ILLÉGAUX » ET L'ANARCHIE DÉNONCÉS

La peur est inspirée par trois phénomènes dénoncés par plusieurs orateurs à Cleveland : l'immigration illégale, le terrorisme islamiste et le mouvement Black Lives Matter (BLM). Des orateurs ont défilé à la tribune de la convention républicaine pour raconter des histoires d'horreur sur la façon dont de proches parents avaient été tués par des « étrangers illégaux ». D'autres les ont suivis pour dénoncer le rôle d'Hillary Clinton dans l'attaque contre le consulat des États-Unis à Benghazi qui a coûté la vie à quatre Américains et son laxisme présumé par rapport à la menace terroriste. Et le shérif afro-américain de Milwaukee, David Clarke, a dénoncé avec force « l'anarchie » créée par le mouvement BLM, qui manifeste contre la brutalité policière.

Il a été chaudement applaudi par une foule presque entièrement blanche (seulement 18 des 2472 délégués à Cleveland sont afro-américains). La connotation raciale de cette peur n'a pas échappé à Avik Roy, ex-conseiller de plusieurs candidats à la présidence, dont Mitt Romney et Marco Rubio, qui a résumé ainsi la première soirée de la convention républicaine : « Les gens à la peau foncée rendent l'Amérique moins sûre. »

La haine a un nom : Hillary Clinton. Et elle a été exprimée à Cleveland par plusieurs orateurs, dont Sharon Day et Ben Carson.

« En tant que première dame, vous avez attaqué de façon vicieuse le caractère de femmes qui ont été victimes de violence sexuelle commise par votre mari. » - Sharon Day, coprésidente du Comité national républicain, en s'adressant à Hillary Clinton

Carson, ancien candidat à l'investiture républicaine, a pour sa part associé Clinton à Lucifer. Tout comme plusieurs autres orateurs, il a fait l'impasse sur le thème de la deuxième soirée de la convention - l'emploi et l'économie.

Mais Al Baldasaro, délégué du New Hampshire et conseiller de Trump en matière d'anciens combattants, est allé beaucoup plus loin qu'eux. Lors d'une entrevue radiophonique hier, il a appelé à l'exécution de l'ancienne secrétaire d'État pour son rôle dans les affaires de Benghazi et de ses courriels.

« Hillary Clinton devrait être mise à mort par peloton d'exécution », a-t-il déclaré.

Pas de doute, la candidate démocrate est un facteur d'unité au sein d'un parti dont certains membres ne semblent pas encore complètement convaincus de la valeur de leur candidat présidentiel - et ne le seront peut-être jamais.

Mais Richard Perloff estime que les républicains risquent de rater une occasion précieuse de redorer l'image de leur parti et de leur candidat à Cleveland.

« Ce qu'ils doivent faire, c'est de présenter une sorte de programme », a dit le politologue. « Ils parlent de ramener les emplois au pays. C'est bien. Les républicains ont une philosophie. C'est bien. Mais qu'ils la présentent ! »