Le moment de vérité approche pour Hillary Clinton. Samedi, lors d'un entretien de près de trois heures et demie au siège du FBI, elle a livré à la police fédérale sa version sur son utilisation exclusive d'une messagerie privée lorsqu'elle était secrétaire d'État. Il s'agit de l'étape finale d'une enquête dont les suites pourraient bouleverser la campagne présidentielle américaine.

Dans les prochaines semaines, le directeur du FBI James Comey et les procureurs du ministère de la Justice devront tirer leurs conclusions sur le noeud de l'affaire : Clinton ou des membres de son entourage ont-ils violé sciemment la loi en faisant transiter sur un serveur privé des renseignements classifiés ? Question qui en amène une autre : et si la candidate démocrate à la présidence était inculpée ?

Les chances que cela se produise ont augmenté un peu la semaine dernière. Responsable ultime de ce dossier délicat, la ministre de la Justice Loretta Lynch a annoncé qu'elle se rangera aux recommandations du directeur du FBI, qui est un républicain, et des procureurs de son ministère. Nommée à son poste par Barack Obama, elle a pris cette décision à la suite de la controverse soulevée par sa rencontre (purement fortuite, selon ses dires) avec Bill Clinton, lundi dernier, à l'aéroport de Phoenix. Même si elle a déclaré que l'affaire des courriels n'avait pas été abordée lors de sa conversation avec l'ancien président, elle a voulu écarter tout soupçon d'ingérence.

L'inculpation d'Hillary Clinton n'est pas une certitude, loin de là. Mais son effet sur l'avenir politique de la candidate dépendrait du moment où elle serait annoncée.

AVANT LA CONVENTION

Si Clinton était inculpée avant la convention démocrate, prévue à Philadelphie du 25 au 28 juillet, elle pourrait choisir de retirer sa candidature ou de miser sur la loyauté de ses partisans.

L'inculpation de Clinton, faut-il d'abord préciser, ne remettrait pas en question son avance sur Bernie Sanders en matière de délégués « élus », si la candidate décidait de poursuivre sa campagne. Ses délégués seraient tenus de voter pour elle à l'occasion du premier tour de scrutin de la convention. Il reviendrait ainsi aux « superdélégués » - ces élus, cadres et autres dirigeants du parti qui peuvent changer leur vote - de décider si Clinton mérite encore ou non l'investiture démocrate après son inculpation.

À noter que les superdélégués pourraient retirer leur appui à Clinton sans pour autant donner la victoire au sénateur du Vermont. Ils pourraient tenter d'orchestrer l'investiture d'un troisième candidat (Joe Biden, par exemple), scénario qui ne manquerait cependant pas de mettre en furie les partisans de Sanders.

APRÈS LA CONVENTION

Si Clinton était inculpée après la convention démocrate, elle pourrait également choisir d'abandonner la course ou de tenter sa chance auprès des électeurs. Selon les règles du Parti démocrate, un comité serait invité à choisir un candidat de remplacement si Clinton décidait de renoncer à se présenter.

Les membres de ce comité ne seraient pas obligés de limiter leur choix aux candidats ayant participé aux primaires.

Cela étant, Clinton pourrait vraisemblablement s'appuyer sur l'opinion des électeurs démocrates pour poursuivre sa campagne. Selon un sondage Rasmussen publié début juin, 71 % d'entre eux voudraient que Clinton reste dans la course même si elle était inculpée (50 % de l'ensemble des électeurs sont du même avis).

Aucun candidat à la présidence des États-Unis n'a jamais abandonné la course après avoir été choisi par son parti.

APRÈS L'ÉLECTION

Il est difficile d'imaginer que la décision d'inculper Hillary Clinton puisse tomber après l'élection de la première femme à la Maison-Blanche. Mais si tel était le cas, les républicains de la Chambre des représentants, s'ils y étaient toujours majoritaires, pourraient décider de déclencher une procédure de destitution contre la présidente.

Il s'agirait d'un deuxième impeachment en moins de 20 ans contre un Clinton.

Mais l'inculpation d'Hillary Clinton n'est-elle pas aussi improbable que son impeachment ? Pour le moment, la défense de l'intéressée n'a pas été officiellement contredite. « Je n'ai jamais reçu ou envoyé de documents marqués comme classifiés », a-t-elle déclaré lors d'une entrevue diffusée hier sur NBC.

Si cette déclaration est erronée, le directeur du FBI et les procureurs du ministère de la Justice devront déterminer si Clinton voulait intentionnellement violer la loi sur la gestion des informations secrètes ou top secrètes. Le fardeau de la preuve risque d'être élevé.

Mais l'affaire ne fait pas de doute pour Donald Trump. « Il est impossible que le FBI ne recommande pas des accusations criminelles contre Hillary Clinton », a-t-il écrit sur Twitter.

Le candidat républicain doit évidemment espérer que la décision soit rendue avant le 8 novembre.