Donald Trump peut-il être élu à la Maison-Blanche? Après avoir sous-estimé les chances du milliardaire populiste de remporter la course à l'investiture républicaine, la plupart des analystes politiques se gardent d'écarter cette possibilité. Voilà qui est sage. Mais il ne faut pas non plus minimiser les obstacles qui se dressent sur le chemin du républicain. En voici cinq.

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La carte électorale

Il faut le répéter: l'élection présidentielle n'est pas un scrutin direct. Le 8 novembre, les Américains de chaque État choisiront un nombre de «grands électeurs» égal au nombre de leurs représentants et sénateurs à Washington, soit un total de 538 (en incluant le district de Columbia). En battant Donald Trump en Californie, par exemple, Hillary Clinton, son adversaire probable, empocherait les 55 «grands électeurs» de cet État. Il en faut 270 pour être élu. Or si l'on se fie aux sondages récents et aux résultats de l'élection présidentielle de 2012, la carte électorale favorise grandement Clinton. La démocrate est en avance dans des États disposant de 347 «grands électeurs», selon une analyste du New York Times. À six mois de l'élection de 2016, ces sondages n'ont rien de définitif. Mais ils donnent la mesure du retard que doit combler le républicain.

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L'électorat américain

Voyons voir: en 2012, Mitt Romney a remporté 93% du vote républicain, soit à peu près le même pourcentage que celui du vote démocrate obtenu par Barack Obama. Le républicain a par ailleurs battu le démocrate par cinq points de pourcentage chez les électeurs indépendants. Mais alors, pourquoi a-t-il perdu l'élection par quatre points? La réponse courte: il y a plus de démocrates que de républicains ou d'indépendants aux États-Unis. En 2012, ils ont représenté 38% des électeurs, contre 32% pour les républicains et 29% pour les indépendants. Or rien n'indique que la situation sera très différente en 2016. Aussi, pour remporter l'élection présidentielle, Donald Trump devra non seulement faire le plein de votes républicains, mais également réaliser une percée chez les démocrates et, si l'on se fie aux sondages actuels, effacer l'avance d'Hillary Clinton chez les indépendants. Gros défi.

La fracture républicaine

Du jamais-vu: depuis que Donald Trump est devenu le candidat républicain présumé à l'élection présidentielle, des figures importantes de son parti ont annoncé leur refus de l'appuyer. La liste des opposants inclut deux anciens présidents, des sénateurs et des gouverneurs en exercice, ainsi que des personnalités influentes du mouvement conservateur. Pourrait se joindre à eux le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, qui doit rencontrer Trump cette semaine. Ce dernier affirme que l'unité du Parti républicain n'est pas nécessaire à son élection. Son triomphe dans les primaires n'est certes pas le premier exemple de la fracture entre les électeurs républicains et l'élite du parti. Mais cette fracture pourrait lui nuire si elle pousse un conservateur à lancer une candidature indépendante ou si elle incite des donateurs à imiter les frères Koch, qui ne verseront pas un sou à sa campagne.

Le vote des femmes

«Les femmes représentent plus de la moitié de l'électorat, et notre incapacité à remporter leurs votes nous fait perdre des élections.» Les stratèges républicains ont dressé ce constat dans un document publié après la dernière élection présidentielle. Donald Trump n'est certes pas en voie d'améliorer l'image républicaine auprès des femmes noires ou hispaniques, qui ont voté massivement pour Barack Obama en 2012. Mais peut-il faire mieux que Mitt Romney chez les femmes blanches? En 2012, le candidat républicain a battu son adversaire démocrate par 14 points de pourcentage auprès de ce groupe. Or, selon les sondages récents, Donald Trump tire de l'arrière par rapport à Hillary Clinton chez les femmes blanches (son avance chez les hommes blancs est loin de compenser son retard dans le reste de l'électorat). Parions qu'il tentera notamment de corriger cette situation en choisissant une femme comme colistière.

L'adversaire démocrate

Bien entendu, Donald Trump a fait preuve d'une efficacité redoutable face aux 16 adversaires qui l'accompagnaient sur la ligne de départ de la course à l'investiture républicaine. Mais force est d'admettre que ceux-ci ont attendu trop longtemps avant de formuler leurs premières critiques à l'endroit du vainqueur éventuel. Un retard attribuable en partie à leur souci de ne pas se mettre à dos les électeurs de Trump. Hillary Clinton et ses alliés démocrates n'auront pas ce problème. On s'attend d'ailleurs à ce que ces derniers lancent dès le mois prochain un blitz publicitaire contre le républicain semblable à celui qui avait contribué à miner l'image de Mitt Romney en 2012. Le Super PAC Priorities USA, qui appuie la candidature de Clinton, se targue notamment d'avoir compilé un dossier sur Trump contenant 80% d'informations inédites.