À l'approche des importantes primaires de New York, Hillary Clinton et Bernie Sanders se sont affrontés hier dans un débat musclé. Même si Mme Clinton est en avance de plus de 10 % dans les sondages, la bataille pour l'État est beaucoup plus difficile que prévu pour l'ex-sénatrice de l'État, alors que l'effet Sanders, qui balaie une bonne partie du pays, se fait sentir jusque dans son patelin. Et risque d'avoir des impacts bien au-delà de la campagne. Analyse en cinq mots.

DYNAMISME

Que serait la campagne des primaires démocrates sans Bernie Sanders ? « Dans l'État de New York, c'est habituellement d'un ennui total, mais pas cette fois », dit Gil Troy, professeur d'histoire à McGill, joint aux États-Unis hier. Mardi soir, des dizaines de milliers de personnes ont assisté à un rassemblement pro-Sanders dans le Washington Square, en plein coeur du Greenwich Village à New York. Le candidat socialiste a aussi créé la cohue quand il s'est pointé à un piquet de grève pour appuyer les grévistes de la société Verizon. Chaque jour, les sondages suggèrent que le sénateur du Vermont gagne du terrain. Selon la plus récente étude statistique, Hillary Clinton devance de 10 points son rival à cinq jours du scrutin, alors qu'en mars, elle avait 20 points d'avance. « Une chose est sûre, quoi qu'il arrive, les démocrates doivent une fière chandelle à Sanders. Grâce à lui, Mme Clinton n'a pas pu faire une campagne facile. Il insuffle beaucoup de dynamisme », dit Guy Lachapelle, politologue de l'Université Concordia.



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Le candidat socialiste Bernie Sanders a créé la cohue quand il s’est pointé à un piquet de grève pour appuyer les grévistes de la société Verizon.

INÉGALITÉS

Malgré ses victoires lors des huit dernières primaires, la plupart des experts s'entendent pour dire que les chances que Bernie Sanders remporte l'investiture démocrate sont faibles. Il a toujours beaucoup moins de délégués qu'Hillary Clinton. « Ça peut changer, mais pour le moment, un seul superdélégué s'est prononcé en sa faveur », dit Donald Cuccioletta, de l'Université du Québec en Outaouais. Ce dernier croit cependant que Bernie Sanders a gagné son pari haut la main depuis le début de la campagne en imposant son programme. La question des inégalités sociales, si chère au sénateur du Vermont, est maintenant incontournable tant chez les démocrates que chez les républicains. « Il a aussi réussi à créer une coalition de gauche comme on n'en avait pas vu aux États-Unis depuis qu'Eugene V. Debs a brigué la présidence sous une bannière socialiste lors des élections de 1912 », dit M. Cuccioletta.

SOCIALISME

Autre exploit de M. Sanders selon Donald Cuccioletta : il a réussi à redonner ses lettres de noblesse au mot « socialisme », devenu quasiment tabou aux États-Unis pendant la guerre froide. « Il a donné un visage humain au mot. Maintenant, ça fait moins peur quand on dit le mot même ailleurs dans le monde », dit-il. Chercheur à l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM, Christophe Cloutier attribue en partie ce phénomène au jeune âge des partisans de Bernie Sanders. Les jeunes de moins de 30 ans, qui forment le coeur des partisans de Bernie Sanders et qui sont nés après l'effondrement du bloc soviétique, n'attribuent pas la même connotation négative au mot « socialisme » que leurs parents. « Au-delà de cette campagne, Sanders inspirera peut-être une nouvelle génération de leaders progressistes », dit M. Cloutier.



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Selon la plus récente étude statistique, Hillary Clinton devançait de 10 points Bernie Sanders à cinq jours du scrutin dans l'État de New York, alors qu'en mars, elle avait 20 points d'avance. 

DÉMOCRATES

Résultat de la popularité du candidat de gauche, le visage du Parti démocrate est en train de changer, dit Gil Troy. « Il démontre qu'il n'y a pas que le centre dans le Parti démocrate », dit l'historien. Selon ce dernier, Bernie Sanders laissera sa marque sur la plateforme démocrate, et ce, même s'il ne remporte pas l'investiture. « Il ne quittera pas la campagne de sitôt. Il s'amuse. Il aura un rôle important à jouer à la convention démocrate. Il aura un impact sur l'idéologie du parti et sur les orientations de la campagne électorale », dit Gil Troy.

FINANCEMENT

Depuis le début de la campagne, plus de cinq millions de personnes ont fait des dons de moins de 200 $ à la campagne de Bernie Sanders. La moyenne des dons qui lui sont envoyés est de 27 $. Malgré ces modestes contributions, le candidat à l'investiture démocrate a réussi à amasser 45 millions en un mois seulement en mars, soit plus que sa rivale. Du coup, il s'attaque au concept qu'il est possible pour les plus nantis du pays d'acheter l'élection présidentielle. « Il donne l'espoir que c'est possible de faire une campagne sans courtiser les millionnaires » et les puissants lobbies, dit Christophe Cloutier.

Photo Brian Snyder, Reuters

Depuis le début de la campagne, plus de cinq millions de personnes ont fait des dons de moins de 200 $ à la campagne de Bernie Sanders.