Charlie Sykes, animateur de radio le plus influent auprès des conservateurs du Wisconsin, tentait de soutirer des excuses à Donald Trump. Le candidat à la présidence n'était-il pas allé trop loin en menaçant Heidi Cruz, femme de son principal rival républicain, de «tout révéler sur [elle]» et en publiant une photo peu flatteuse d'elle sur Twitter?

Après avoir entendu Trump répéter faussement que Ted Cruz avait commencé cette querelle par épouses interposées en utilisant dans une pub une ancienne photo nue de Melania Trump, Sykes a perdu patience. «Je m'attends à cela d'un tyran de 12 ans dans une cour de récréation, pas de quelqu'un qui veut la fonction occupée par Abraham Lincoln», a-t-il lancé.

C'était lundi, au début de la pire semaine de Donald Trump depuis le début de sa campagne présidentielle. Quelques jours plus tard, lors d'une interview accordée à la chroniqueuse Maureen Dowd et publiée samedi sur le site du New York Times, il a fini par faire un rare aveu. «Oui, c'était une erreur. Si c'était à refaire, je n'aurais pas envoyé ce retweet», a-t-il dit en faisant allusion à la photo de Heidi Cruz.

Mais cette expression de regret risque de ne pas suffire à changer la donne au Wisconsin, un État du Midwest qui tient demain des primaires. Chez les républicains, le scrutin pourrait permettre au sénateur du Texas Ted Cruz, favori dans les sondages, de rafler la majorité ou même la totalité des 42 délégués en jeu.

Un tel résultat compliquerait la marche de Donald Trump vers les 1237 délégués (sur 2472) nécessaires à l'investiture républicaine. S'il n'atteint pas ce chiffre d'ici la fin de la saison des primaires et caucus, la convention républicaine de juillet à Cleveland nécessitera vraisemblablement plus d'un tour de scrutin, du jamais vu depuis les années 50.

«Le Wisconsin ne peut à lui seul empêcher Donald Trump d'atteindre le chiffre magique, mais il peut rendre cette tâche un peu plus difficile. Et si nous sommes le signe avant-coureur des États qui s'en viennent, il peut rendre cette tâche beaucoup plus difficile», dit Charles Franklin, directeur des sondages de la faculté de droit de l'Université Marquette.

Selon un sondage piloté par Franklin et publié mercredi dernier, Cruz récoltait 40% des intentions de vote, contre 30% pour Trump et 21% pour John Kasich.

Mais pourquoi Donald Trump risque-t-il de se heurter à un mur au Wisconsin, un État qui semble fait sur mesure pour lui - on y trouve relativement peu de chrétiens évangéliques et beaucoup de Blancs sans diplôme universitaire?

Les animateurs conservateurs de la radio parlée du Wisconsin figurent au nombre des facteurs explicatifs énumérés par Charles Franklin. Contrairement à plusieurs stars radiophoniques de la droite connues partout aux États-Unis, dont Rush Limbaugh, Sean Hannity et Michael Savage, Charlie Sykes et ses principaux collègues ou concurrents n'ont rien de positif à dire au sujet de Donald Trump.

«Ils lui reprochent, d'une part, de ne pas avoir une vision conservatrice constante et fondée sur des principes. Ils le critiquent, d'autre part, pour le manque de sérieux de sa candidature. Ils le voient comme quelqu'un qui n'a pas une bonne connaissance des dossiers. Et enfin, ils déplorent ses mauvaises manières», dit Franklin.

«Ils sont très influents auprès des républicains qui vivent dans les comtés qui entourent Milwaukee.»

L'universitaire mentionne un autre facteur pour expliquer les ennuis de Donald Trump au Wisconsin: Scott Walker. Le gouverneur de l'État a abandonné piteusement sa propre campagne présidentielle en septembre dernier, mais il demeure très populaire auprès des républicains du Wisconsin. Ceux-ci l'ont réélu à deux reprises tout en sauvant sa peau lors d'un scrutin spécial visant à le destituer après l'adoption d'une loi antisyndicale controversée.

«Walker ne s'est jamais caché pour dire qu'il n'était pas un partisan de Donald Trump, dit Charles Franklin. Mais il a attendu jusqu'à la semaine dernière pour apporter son soutien à Ted Cruz. Il s'agit plus d'un rejet de Trump que d'un appui enthousiaste à Cruz. Mais il s'agit d'un appui influent.»

Bien sûr, Donald Trump pourrait créer la surprise en remportant le Wisconsin. Il survivrait ainsi à une semaine où il a terni encore davantage son image désastreuse auprès des femmes - après avoir refusé de s'excuser pour son traitement de Heidi Cruz, il a défendu son directeur de campagne accusé de voies de fait contre une journaliste et préconisé un certain châtiment pour les femmes qui se font avorter, déclaration qu'il a plus tard rétractée.

Et il serait de nouveau en bonne voie pour remporter l'investiture républicaine. Mais le mur du Wisconsin pourrait bien laisser présager d'autres obstacles sur la route de Cleveland.

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La course aux délégués

• Donald Trump : 736

• Ted Cruz : 463

• John Kasich : 143

- 1237 délégués nécessaires à l'investiture républicaine

Source: Associated Press