Vous avez peut-être vu le petit oiseau, ou vous en avez entendu parler, qui est allé se percher sur le lutrin de Bernie Sanders, vendredi, lors d'un grand rassemblement à Portland, dans l'Oregon.

« Je pense qu'il y a peut-être un certain symbolisme ici », a déclaré le sénateur du Vermont en observant d'un oeil amusé le roselin familier. « Je sais que cela n'en a pas l'air, mais cet oiseau est en réalité une colombe qui nous demande la paix mondiale. Plus de guerres ! »

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Et la foule d'applaudir à tout rompre cet instant qui est vite devenu viral sur les réseaux sociaux et qui illustre un des triomphes de Bernie Sanders. En cette campagne présidentielle dominée par un candidat souvent vulgaire chez les républicains et une candidate parfois opportuniste chez les démocrates, le sénateur de 74 ans est le seul à avoir inspiré à ses partisans un véritable idéalisme.

Bernie Sanders peut revendiquer cet autre triomphe : parmi tous les candidats présidentiels encore en lice, démocrates ou républicains, il est le seul à être perçu de façon positive par 50 % ou plus de l'électorat américain, selon deux sondages publiés la semaine dernière.

Et si l'élection présidentielle avait lieu aujourd'hui, Sanders récolterait plus de suffrages qu'Hillary Clinton face à tous les candidats républicains encore en lice, y compris Donald Trump (selon un sondage CNN/ORC publié le 21 mars, Sanders battrait Trump par 20 points, alors que Clinton triompherait de ce dernier par 12 points).

Bien sûr, l'élection présidentielle n'aura lieu que le 8 novembre. Et Sanders n'a toujours pas gagné l'investiture démocrate. Mais il s'en approche, diront ses partisans, en évoquant ses victoires lors des caucus tenus samedi dans trois États - Washington, Alaska et Hawaii. Des victoires obtenues par des marges impressionnantes d'au moins 40 points de pourcentage. Voilà qui augure bien, selon Bernie Sanders, pour la prochaine étape de la course, qui aura lieu le 5 avril au Wisconsin.

N'en déplaise à Sanders et à ses partisans, cette voie demeure étroite et escarpée. Après les caucus de samedi, l'ancienne secrétaire d'État jouit toujours d'une avance considérable, voire insurmontable, ayant récolté 1243 délégués par la voie des primaires et caucus, contre 975 pour son rival. Et elle compte en outre sur l'appui de 469 superdélégués (des élus et autres dirigeants du parti), contre 29 pour Sanders. Il faut 2383 délégués pour gagner l'investiture démocrate.

DE GROS DÉFIS

Pour rattraper l'avance de Clinton, Sanders devra remporter des victoires presque aussi retentissantes que celles de samedi dans des États qui lui sont moins favorables, dont la Californie, le New Jersey, l'État de New York et la Pennsylvanie, où les sondages donnent aujourd'hui sa rivale gagnante.

Mais, à plusieurs égards, Bernie Sanders a déjà gagné. Il s'est rendu plus loin que quiconque n'aurait pu le prévoir le 26 mai dernier, jour du lancement de sa « révolution politique ». Non seulement il a gagné 13 États contre l'héritière d'une machine politique redoutable, mais il a également poussé le Parti démocrate vers la gauche en dénonçant avec verve et passion la montée des inégalités et l'influence corruptrice de l'argent de Wall Street dans la politique américaine.

Il a aussi prouvé qu'il était possible de mener une campagne d'envergure en sollicitant uniquement des dons individuels et en tournant le dos à l'appui des super PAC, ces structures qui permettent aux millionnaires et milliardaires de dépenser des sommes illimitées pour soutenir la cause d'un candidat.

Et il a introduit des thèmes qui ne semblaient plus avoir de place en politique américaine, dont ceux de l'universalité des soins de santé et de la gratuité dans les universités publiques.

VERS UNE AUTRE VICTOIRE

Ce faisant, Sanders s'est attiré l'appui massif des électeurs démocrates et indépendants âgés de 40 ans et moins. Au bout du compte, ces électeurs n'obtiendront peut-être pas le candidat de leurs rêves en 2016. Mais il faut s'attendre à ce que le prochain porte-étendard démocrate leur ressemble davantage. Si cela se produit, il s'agira d'un autre triomphe à ajouter au palmarès du sénateur du Vermont.

En attendant, Hillary Clinton a dû ajuster son discours et adopter des positions plus populistes ou progressistes sur les inégalités, le libre-échange et Wall Street, entre autres. Cela suffirait-il à convaincre les partisans de Bernie Sanders de voter pour Hillary Clinton en novembre si celle-ci remportait l'investiture démocrate ? Cela suffirait-il à convaincre Sanders d'appuyer Clinton ?

Hier matin, sur CNN, le sénateur du Vermont a répondu à cette question en laissant entendre qu'il n'avait pas encore fini d'accumuler les triomphes : « Je ne veux pas parler de ce qui arrivera si nous perdons. Nous sommes dans cette course pour gagner. »