Le candidat républicain à la présidentielle de 2012, Mitt Romney, a pris jeudi la tête d'une ultime campagne pour empêcher Donald Trump de remporter les primaires avant qu'il ne soit trop tard, mais certains conservateurs étaient déjà résignés.

L'électrochoc du « super mardi », quand l'homme d'affaires a remporté 7 primaires sur 11, a relancé les efforts d'élus et figures du parti républicain pour persuader les électeurs que Donald Trump n'avait rien d'un sauveur pour le mouvement conservateur, et promouvoir un hypothétique candidat alternatif, que ce soit le sénateur de Floride Marco Rubio, celui du Texas Ted Cruz, voire le gouverneur de l'Ohio, John Kasich.

Les deux derniers candidats républicains à la Maison-Blanche, John McCain (2008) et Mitt Romney (2012), ont publiquement pris position contre le favori de 2016.

« Donald Trump nous dit qu'il est très, très intelligent. Je crains qu'en matière de politique étrangère il ne soit très, très "pas intelligent" », a déclaré Mitt Romney lors d'un discours dans l'Utah.

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Mitt Romney affirme qu'une investiture du milliardaire garantirait l'élection de la démocrate Hillary Clinton en novembre. Il a déploré le flou et l'incohérence des propositions du promoteur immobilier, prédisant qu'elles déclencheraient une récession.

Il s'est surtout attardé sur la personnalité du milliardaire, sa « malhonnêteté », sa « cupidité », sa « misogynie » et sa vulgarité.

« Donald Trump est un charlatan, un imposteur. Ses promesses ne valent pas mieux qu'un diplôme de l'Université Trump. Il prend les Américains pour des pigeons », a-t-il dit, en allusion à l'institution désormais défunte au centre d'une procédure judiciaire lancée par d'ex-étudiants.

Le temps presse. Le milliardaire a remporté 10 des 15 premières consultations depuis le 1er février. Le calendrier des primaires a été conçu de telle façon qu'à partir du 15 mars, le candidat en tête sera quasi assuré de remporter l'investiture : la plupart des États comme la Floride attribueront la totalité de leurs délégués au vainqueur, ce qui consolidera toute avance de façon exponentielle vers la majorité absolue requise.

Le candidat républicain de 2008, John McCain, s'est rangé du côté de Mitt Romney jeudi, appelant les Américains à « réfléchir longuement à la personne qu'ils souhaitent avoir comme commandant en chef et leader du monde libre ».

Trop tard?

Mitt Romney a anticipé que sa sortie pourrait déplaire à Donald Trump.

« Parlera-t-il de divergences politiques ou m'attaquera-t-il avec les insultes les plus basses imaginables? Cela vous dira tout ce que vous aurez besoin de savoir sur son tempérament, sa stabilité et sa capacité à être président », a dit Mitt Romney.

Donald Trump a opté pour la deuxième option.

« Il m'a supplié pour que je le soutienne. J'aurais pu dire, Mitt, mets-toi à genoux, et il se serait mis à genoux », a déclaré Donald Trump depuis le Maine, en rappelant que Mitt Romney était allé jusqu'à Las Vegas, en février 2012, pour obtenir son ralliement.

À l'époque, Donald Trump avait évoqué la possibilité de se présenter et son poids politique n'était pas négligeable. « Il y a des choses que je n'aurais jamais imaginé faire dans ma vie », avait alors ironisé Mitt Romney.

Les personnalités des deux hommes ne pourraient être plus opposées, Mitt Romney étant policé jusqu'à la rigidité.

Le milliardaire était visiblement piqué au vif jeudi. Il a répété que Mitt Romney avait été « un désastre » en 2012 et qu'il aurait dû battre Barack Obama dans les urnes.

« J'ai gagné tellement plus d'argent que Mitt. Un de mes magasins vaut plus que Mitt », a-t-il aussi dit.

Des républicains doutaient de l'efficacité de la contre-offensive anti-Trump, improvisée et si tardive. « C'est trop tard », s'est lamenté au Washington Post le consultant républicain Alex Castellanos.

« S'ils veulent peser, qu'ils choisissent un candidat! » dit à l'AFP Grover Norquist, président d'une organisation anti-impôts très influente, Americans for Tax Reform.

« Tant que Trump respecte la règle du jeu, s'il gagne, c'est comme ça », prévient Steve King, élu républicain du Congrès qui soutient Ted Cruz. « Nous ne pouvons pas changer la règle du jeu parce qu'on n'aime pas celui qui est en train de gagner », dit-il à l'AFP dans les allées du rassemblement annuel des conservateurs américains, à National Harbor, près de Washington.

C'est dans cette ambiance de guerre intestine que Donald Trump, Ted Cruz, Marco Rubio et John Kasich se retrouveront jeudi soir à Detroit pour le onzième débat de la saison.

Le neurochirurgien à la retraite Ben Carson a annoncé mercredi qu'il ne participerait pas à ce débat, se retirant de fait de la course. Donald Trump espère récupérer ses partisans.

«Notre parti est mourant»

Mais le discours de l'arrière-garde républicaine pourrait être inaudible pour les 30 à 40% de républicains qui ont jusqu'à présent voté pour Donald Trump justement parce qu'il conteste l'ordre établi.

Le milliardaire a répondu par le mépris aux attaques de Mitt Romney, le qualifiant de «loser» parce qu'il avait perdu en 2012 face à Barack Obama, et rappelant que Mitt Romney lui avait demandé son soutien il y a quatre ans.

Donald Trump a aussi recommencé à insinuer qu'il pourrait se présenter en candidat indépendant si le parti l'empêchait par des machinations, notamment à la convention de Cleveland en juillet, de remporter l'investiture.

«Ils ne reconnaissent pas que j'ai fait quelque chose que personne n'a réussi auparavant. Notre parti stagne, il est mourant», a-t-il argué sur MSNBC jeudi.

Le parti est divisé entre ceux qui résistent et ceux qui sont déjà résignés à rallier le magnat de l'immobilier.

C'est dans cette ambiance de guerre intestine que Donald Trump, Ted Cruz, Marco Rubio et le gouverneur de l'Ohio, John Kasich, se retrouveront jeudi soir à Detroit pour le onzième débat de la saison. Le neurochirurgien à la retraite Ben Carson a annoncé mercredi qu'il ne participerait pas à ce débat, se retirant de fait de la course. Donald Trump espère récupérer ses partisans.

L'agitation autour du favori Trump était aussi au coeur du grand rassemblement annuel des conservateurs américain CPAC, qui s'est ouvert jeudi à National Harbor, près de Washington. Dans les allées, certains républicains disaient ne plus croire que Donald Trump puisse être arrêté.

«D'après mon expérience, les campagnes anti-quelqu'un sont rarement efficaces», dit à l'AFP Rick Santorum, candidat malheureux des primaires qui soutient Marco Rubio.

On trouve des militants républicains comme Ron Fodor, maire d'une petite ville de Pennsylvanie, résigné à voter pour Donald Trump, jugé comme le meilleur espoir de battre Hillary Clinton à la présidentielle de novembre: «Je soutenais Rubio, mais je crois qu'il ne pourra pas gagner, donc je vais me boucher le nez et voter Trump».

Une sexagénaire, Doris, les larmes aux yeux, lâche en passant: «Nos vies sont merdiques, le parti républicain et Obama ont conspiré pour nous donner Trump. Et vous savez quoi? Il va arranger les choses».