La défaite aurait réduit son mandat historique à la Maison-Blanche à un seul mot: échec. La victoire lui donne la chance de poursuivre le travail entamé et de remplir les promesses inachevées, dont celle de transcender les divisions partisanes à Washington et dans l'ensemble des États-Unis.

Visiblement soulagé d'avoir survécu à sa dernière campagne électorale, Barack Obama a renouvelé cette promesse lors de son discours de victoire à l'issue d'un scrutin qui a illustré la polarisation de la vie politique américaine.

«Je crois que nous pouvons affronter l'avenir parce que nous ne sommes pas aussi divisés que nos querelles politiques le laissent imaginer. Nous ne sommes pas aussi cyniques que le disent les experts. Nous sommes plus grands que la somme de nos ambitions personnelles, et nous sommes plus qu'une accumulation d'États rouges et bleus - républicains et démocrates. Nous sommes et nous serons toujours les États-Unis d'Amérique», a déclaré le 44e président devant une foule en liesse à Chicago.

Le discours était inspirant, mais la réalité est dégrisante. Barack Obama a certes remporté mardi une victoire remarquable. Malgré une conjoncture économique qui aurait très bien pu le couler, il est devenu le deuxième démocrate à être réélu à la Maison-Blanche depuis 1945 et, cela s'entend, le premier président de couleur à obtenir un deuxième mandat.

Cette victoire, Barack Obama la doit en partie à sa popularité personnelle, qui a survécu à la haine irrationnelle d'une partie de la population américaine à son égard. Le président a eu raison, par ailleurs, de remercier son équipe électorale, qui a mis au point une stratégie redoutable pour mobiliser à nouveau la coalition qui avait contribué à sa victoire en 2008. Il est évident que les républicains ne s'attendaient pas à une participation aussi importante des Afro-Américains, des hispanophones et des jeunes.

Les femmes, qui ont composé 54% de l'électorat et voté à 55% pour Barack Obama, ont également contribué à faire du Parti républicain un parti de plus en plus blanc, de plus en plus vieux et de plus en plus mâle.

Mais cette victoire ne change pas grand-chose au rapport de force qui existait à Washington avant l'élection ainsi qu'aux divisions au sein de l'électorat. Les démocrates ont certes renforcé leur majorité au Sénat, mais les républicains gardent leur solide emprise sur la Chambre des représentants, où ils ont réussi à bloquer la plupart des initiatives du président démocrate depuis leur triomphe lors des élections de mi-mandat de 2010.

Plusieurs républicains seront tentés de voir dans le résultat du vote populaire un rejet de la vision du président par une partie importante de la population. Après tout, feront-ils valoir, Barack Obama est le premier président depuis 1832 à être réélu avec un pourcentage de suffrages inférieur à celui qui lui avait permis d'obtenir un premier mandat.

Les républicains pourront également invoquer les résultats des sondages réalisés mardi à la sortie des bureaux de vote. Ceux-ci indiquent que les électeurs préfèrent la stratégie de Mitt Romney sur l'économie et le déficit.

Reprise fragile

Cela dit, Barack Obama et les républicains du Congrès voudront probablement trouver un terrain d'entente à court terme pour faire face à un inquiétant «mur budgétaire» (fiscal cliff): faute d'un accord d'ici au 31 décembre, des coupes budgétaires et des hausses d'impôt totalisant 600 milliards de dollars entreront automatiquement en vigueur pour réduire le déficit public. Un tel remède risquerait de compromettre la fragile reprise de l'économie américaine.

Au lendemain de l'élection présidentielle, le président de la Chambre des représentants, John Boehner, s'est dit «prêt à travailler» avec le président.

«Les républicains ont exprimé leur volonté d'accepter une hausse des ressources [de l'État] à condition qu'elles proviennent de la croissance et des réformes. Commençons la discussion sur ces bases», a déclaré le républicain de l'Ohio.

La veille, dans son discours de victoire, Barack Obama avait également appelé les deux partis à la coopération pour «faire face aux défis» qu'ils doivent affronter ensemble: «Réduire nos déficits; réformer notre fiscalité; réparer notre politique d'immigration; réduire notre dépendance au pétrole de l'étranger.»

Barack Obama s'assurerait sans doute une place parmi les grands présidents s'il réalisait la moitié de ces objectifs. Mais il devra d'abord faire face à l'épreuve de la réalité d'un pays et d'une classe politique aussi divisés après qu'avant  l'élection présidentielle.