Au début du mois d'octobre, une équipe de La Presse s'est envolée pour le Minnesota, dans le nord des États-Unis. Les journalistes Isabelle Audet et Frédéric Guiro ont ensuite parcouru plus de 4000 km sur les routes qui bordent le fleuve Mississippi, jusqu'à La Nouvelle-Orléans. En chemin, ils ont produit des reportages, mais ils ont aussi posé cette question toute simple à ceux qu'ils ont rencontrés: quel est votre rêve? À la veille de l'élection présidentielle, voici de quoi est fait le nouveau rêve américain.

À l'Université du Mississippi, dans la ville d'Oxford, une professeure d'histoire a monté de toutes pièces un cours sur la notion de rêve américain. Un cours où règne l'optimisme? Oui... et non.

«Les femmes n'ont eu accès au rêve américain que très tard. Pour les Afro-Américains, c'est la même chose. Pendant longtemps, le travail acharné ne les a menés nulle part. C'est leur maître qui en profitait», résume Sheila Skemp, qui donne un cours sur le rêve américain depuis 35 ans. Plusieurs étudiants trouvent déprimante son entrée en matière, constate-t-elle, mais elle y tient: «C'est une façon de leur faire réaliser que, pendant longtemps, même s'ils vivaient en Amérique, plusieurs n'ont pas eu droit à ce qu'eux-mêmes tiennent pour acquis.»

L'idée première du rêve américain, celle qui veut que tout soit possible, vient de l'immigration massive, au cours des derniers siècles. Les États-Unis étaient la terre nouvelle qui assurait un emploi à quiconque travaillait dur.

«Au départ, la plupart de ces immigrés y sont parvenus, pourvu qu'ils fussent blancs, ajoute Mme Skemp. Ils y sont parvenus parce qu'il y a eu une sélection naturelle. Ceux qui ont immigré voulaient changer de vie. Ils avaient, au départ, la détermination pour le faire.»

Au XVIIIe siècle, les Américains rêvaient d'apprendre un métier et de faire vivre leur famille. Puis, à la fin du XIXe siècle, la notion de richesse et de succès émerge.

Andrew Carnegie, fils d'immigrés, incarne ce rêve de l'homme «qui s'est construit lui-même». Simple ouvrier, il lit tout ce qui lui tombe sous la main et s'instruit. Il parvient ensuite à monter sa propre aciérie et finit par bâtir un véritable empire, en fabriquant notamment des rails pour le réseau ferroviaire du pays. Il est deuxième dans la liste des hommes les plus riches de l'histoire des États-Unis, après John D. Rockefeller.

Aujourd'hui, le rêve américain fluctue, principalement, en fonction de l'économie et des mouvements sociaux. Les Américains en ont tous une conception bien personnelle, parfois très simple. «Je demande toujours à mes étudiants à quoi ils rêvent, ajoute Mme Skemp. Depuis quelque temps, ils espèrent seulement acheter une maison. Ils se questionnent sur les possibilités d'obtenir l'emploi dont ils rêvent... Je n'avais jamais vu ça avant, une telle anxiété. Mais le rêve américain tel qu'on le connaît reviendra quand l'économie se redressera.»