À 34 jours de l'élection américaine, Barack Obama et Mitt Romney croiseront le fer ce soir à Denver, au colorado, à l'occasion du premier de trois débats présidentiels. Quelque 50 millions de téléspectateurs suivront cette joute oratoire qui pourrait être celle de la dernière chance pour le candidat républicain, à la traîne dans les sondages.

Depuis les tout premiers débats présidentiels télévisés aux États-Unis, très peu de candidats ont réussi l'exploit auquel rêve sans doute Mitt Romney: offrir des performances non seulement gagnantes devant leur adversaire, mais également susceptibles de changer l'issue de l'élection présidentielle.

Selon une étude réalisée par l'institut de sondage Gallup, seuls John Kennedy en 1960 et George W. Bush en 2000 ont probablement profité des débats présidentiels pour ravir à leurs adversaires respectifs la victoire vers laquelle ils s'acheminaient. Des candidats comme Walter Mondale en 1984 et John Kerry en 2004 ont certes réussi à ébranler sérieusement leurs rivaux, à tout le moins lors de leurs premiers débats, mais pas au point d'empêcher Ronald Reagan et George W. Bush d'être réélus à la Maison-Blanche.

D'où le scepticisme de plusieurs experts sur les chances de Mitt Romney de changer la donne électorale à la faveur du débat présidentiel de ce soir ou de ceux qui suivront les 16 et 22 octobre (le face-à-face entre les candidats à la vice-présidence aura lieu le 11 octobre).

«Ce n'est pas impossible, mais la côte à monter est abrupte», a déclaré Allen Louden, professeur de communication à l'Université Wake Forest, en Caroline-du-Nord. «À moins qu'il ne se passe quelque chose d'électrisant, ma prédiction est que les débats ne changeront pas grand-chose aux préférences des électeurs. Il sera difficile pour Romney de contrer l'idée de plus en plus répandue qu'un raz-de-marée est en train de se préparer.»

Au cours des derniers jours, Barack Obama et Mitt Romney ont consacré le plus clair de leur temps à se préparer pour le duel très attendu de ce soir. Le sénateur démocrate du Massachusetts, John Kerry, a joué le rôle de Mitt Romney dans les débats simulés avec le président, alors que le sénateur de l'Ohio, Rob Portman, s'est glissé dans la peau de Barack Obama dans les répétitions avec le candidat républicain.

À l'approche du premier débat présidentiel, les deux candidats ont également tenté de gérer les attentes du public et des médias en vantant les qualités de débatteur de leur rival et en minimisant les leurs. Aux yeux d'Allen Louden, Barack Obama et Mitt Romney «sont tous les deux très adéquats lorsqu'ils suivent leur texte».

«Mais ils ne sont pas aussi forts qu'un [Bill] Clinton ou un Reagan lorsqu'ils sortent de leur texte. Et c'est la raison pour laquelle je m'attends à un premier débat moins qu'intéressant. Les deux vont s'en tenir à leur texte même lorsqu'une occasion se présentera d'en sortir pour river son clou à l'adversaire», a prédit le professeur de Wake Forest.

En fait, il risque d'y avoir plus d'action dans les médias sociaux que sur la scène de l'Université de Denver, où aura lieu le débat arbitré par le journaliste Jim Lehrer, de PBS. Martin Wiseman fera partie des politologues américains qui s'intéresseront en particulier à l'impact de Twitter, la plateforme de microblogage qui n'en était encore qu'à ses premiers pépiements lors des débats présidentiels de 2008.

«Quelle est la valeur de 20 millions de tweets pendant un débat? Nous ne le savons pas encore, mais nous savons que les partisans des deux candidats utiliseront Twitter à la vitesse grand V pour tenter de tirer profit en temps réel de chaque minute du débat», a confié Martin Wiseman, qui dirige un institut de sciences politiques à l'Université d'État du Mississippi.

«Je pense que le volume d'interventions sera particulièrement élevé lorsque Mitt Romney sera invité à détailler son programme. La moindre nouvelle donnée deviendra virale dans les médias sociaux. Et s'il décide d'être évasif, la réaction des gens deviendra également virale. Le même phénomène risque de se produire si Barack Obama fait un geste ou prononce une phrase qui le fait paraître condescendant.»

À la veille du premier débat présidentiel de 2012, un sondage national réalisé par l'Université Quinnipiac donnait à Barack Obama une avance de quatre points de pourcentage sur Mitt Romney. Ce dernier accusait un retard semblable en 2002, à la veille des débats télévisés qui lui ont permis de rattraper et de devancer son adversaire lors de l'élection au poste de gouverneur du Massachusetts.

«Il est bon dans les situations critiques», a déclaré au Boston Globe Mike Murphy, ancien stratège de Mitt Romney. «Quand les choses vont mal, il demeure calme et lucide.»

Les électeurs américains auront l'occasion de vérifier la chose dès ce soir.