La flambée de violence antiaméricaine dans le monde musulman qui a coûté la vie à l'ambassadeur des États-Unis en Libye ajoute une nouvelle inconnue à l'équation de la présidentielle du 6 novembre, sur un sujet périlleux pour Barack Obama comme pour Mitt Romney.

Le président américain a rapidement condamné les violences de mardi soir qui ont coûté la vie à l'ambassadeur Chris Stevens et utilisé le cadre solennel de la roseraie de la Maison Blanche pour promettre que les auteurs de cette attaque «scandaleuse» ne resteraient pas impunis.

Avant lui, la secrétaire d'État Hillary Clinton a dit comprendre que l'on se demande comment un tel drame a pu se produire «dans un pays que nous avons contribué à libérer, dans une ville que nous avons sauvée de la destruction».

Après avoir hésité à intervenir dans les révoltes du «Printemps arabe» début 2011, les États-Unis avaient apporté leur soutien à ceux qui réclamaient le départ d'hommes forts en place depuis plus de 30 ans, notamment en Égypte et en Libye.

Mais un an après la chute de Mouammar Kadhafi et malgré de nouvelles institutions, la Libye est aujourd'hui loin d'être stabilisée, et en Égypte, pays qui reste lui aussi en proie à des violences sporadiques --dont une attaque contre l'ambassade américaine mardi--, les islamistes des Frères musulmans sont désormais au pouvoir.

Dans une telle crise, avec mort d'homme, «pour le président Obama, le risque est évident: cela peut saper l'argument de son bon bilan en politique étrangère» dans deux pays emblématiques, note le professeur d'histoire Julian Zelizer, de l'université de Princeton.

A moins de deux mois de la présidentielle américaine, le candidat républicain Mitt Romney tente d'exploiter les vulnérabilités perçues de M. Obama. Mercredi, il a estimé que l'administration Obama avait envoyé des «signaux ambigus» à la suite de l'attaque de l'ambassade au Caire, après avoir qualifié mardi de «honteuse» la réaction officielle aux attaques en Egypte et en Libye.

Intérêts stratégiques

M. Obama, mettant implicitement en doute les qualifications du républicain à occuper le Bureau ovale, a répliqué de façon cinglante dans un entretien à la chaîne CBS mercredi: «On dirait que le gouverneur Romney a tendance à tirer d'abord et viser ensuite».

«En tant que président, l'une des choses que j'ai apprises est que l'on ne peut pas faire cela. Il est important de s'assurer que les déclarations que vous effectuez sont soutenues par les faits, et que vous avez pensé à toutes les conséquences avant de les prononcer», a poursuivi M. Obama, à propos de son adversaire, déjà accusé d'amateurisme par des médias de premier plan comme le Washington Post et The Atlantic.

«C'est peut-être le devoir du candidat d'opposition de critiquer ou de mettre en cause (l'administration en place), mais pas au coût des intérêts stratégiques des États-Unis», a sévèrement noté l'expert en géopolitique Anthony Cordesman, du groupe de réflexion CSIS de Washington.

Pour M. Zelizer, «M. Romney doit être extrêmement prudent et ne pas faire de choses susceptibles de donner de lui l'image de quelqu'un qui n'a aucune idée de ce qui se passe». Dans de telles circonstances, «les électeurs peuvent évaluer comment les dirigeants réagissent en période de crise», prévient-il.

Déjà crédité d'une avance de cinq ou six points dans les intentions de vote sur M. Romney, M. Obama bénéficie d'un net avantage dans l'opinion face à son concurrent sur les thèmes de politique étrangère et de sécurité nationale.

Le président vante lors de ses discours électoraux sa promesse tenue de retirer les soldats d'Irak et le raid contre Oussama ben Laden. Mais les succès de politique étrangère ne garantissent pas une réélection, comme l'a appris George Bush senior en 1992, battu malgré la victoire de la Guerre du Golfe.

En revanche, un échec dans ce domaine risque de ternir un bilan, comme l'a montré la victoire de Ronald Reagan sur Jimmy Carter en 1980, en partie attribuée à la gestion par le dirigeant démocrate de l'interminable crise des otages américains à Téhéran.