Membres depuis vingt mois d'un Congrès qu'ils ont fait pencher vers sa droite, les membres du très conservateur Tea Party découvrent qu'il est difficile de concilier pureté idéologique et besoins des électeurs, en cette année électorale.

Proche d'eux, le représentant républicain du Wisconsin Paul Ryan, bientôt intronisé comme colistier de Mitt Romney dans la course à la Maison-Blanche, en sait lui-même quelque chose.

En 2008, confronté à l'annonce de la fermeture d'une ligne d'assemblage de General Motors dans sa ville de Janesville, il n'a pas hésité à voter pour le plan de sauvetage de l'industrie automobile, d'un montant de 14 milliards de dollars. La même année, il a également voté le plan d'aide au secteur financier de 700 milliards de dollars.

Ryan a depuis critiqué ces deux plans d'aide décidés par George W. Bush pour éviter un effondrement de l'économie, cette année-là. Mais ses votes, auxquels s'ajoute son soutien à l'élargissement du programme Medicare destiné à rembourser les dépenses des médicaments prescrits, financé par l'emprunt en 2003 sous la présidence Bush, sont restés sur l'estomac des plus conservateurs.

Matt Kibbe, président de FreedomWorks, qui travaille souvent avec les groupes du Tea Party, dit apprécier la volonté de Paul Ryan de proposer des budgets conservateurs, mais ajoute qu'il n'a pas oublié son soutien aux plans de sauvegarde et à l'élargissement du système Medicare.

«Nous avons eu notre lot de déceptions et de disputes avec Paul au fil des ans», confie Matt Kibbe. «Il n'est sûrement pas parfait. Mais dans le domaine de la politique présidentielle, la perfection n'existe pas».

Les votes de Paul Ryan soulignent la difficulté pour les parlementaires du Tea Party et du camp ultra-libéral à rester fidèles au principe de non-intervention de l'État lorsque les intérêts concrets des électeurs sont en jeu...

Juste avant les vacances parlementaires en août, en pleine campagne présidentielle, certains des membres les plus conservateurs de la Chambre des représentants ont été confrontés une nouvelle fois à leur habituel dilemme, lors du vote d'une aide de 383 millions de dollars (306 millions d'euros) aux agriculteurs.

Certains ont voté «oui», d'autres «non». Finalement, le «oui» l'a emporté par 223 voix contre 197.

Tim Huelskamp, représentant du Kansas (centre), l'un des membres les plus conservateurs de la Chambre des représentants, a voté «oui». Sa circonscription compte l'une des concentrations en exploitations agricoles les plus élevées du pays.

Lui-même agriculteur, il a dit avoir voté pour le texte, car celui-ci est financé par la suppression de programmes de préservation des ressources naturelles. «J'ai pensé que c'était responsable fiscalement», a-t-il affirmé.

Jim Jordan, représentant de l'Ohio, s'est lui opposé au texte. Il a déclaré vouloir moins d'implication fédérale dans le secteur privé, soulignant que les crédits utilisés pour financer la mesure ont été pris sur des projets futurs.

«Le premier principe est que ce qui est bon pour votre pays est bon pour vos électeurs», observe Jim Jordan. «Et ce qui est bon pour votre pays, c'est de ne pas dépenser de l'argent que vous n'avez pas».

Ces divisions ont douché les attentes des leaders du Tea Party, qui estiment désormais qu'il faudra plusieurs élections avant que le mouvement ne puisse asseoir l'influence dont il a besoin à Washington.

«Personne ne sera d'accord avec nous 100% du temps», reconnaît Jenny Beth Martin, coordinatrice nationale des Patriotes du Tea Party, à propos des parlementaires. «Et nous comprenons qu'ils doivent choisir ce qui est le mieux pour leur circonscription et leurs électeurs».

Selon Mme Martin, sur 240 représentants et 47 sénateurs républicains, le Tea Party peut compter sur moins de 30 représentants et cinq sénateurs. «Il n'y a tout simplement pas assez de visionnaires dans notre paysage politique actuel», regrette-t-elle.

Le Club pour la croissance, une organisation conservatrice qui plaide pour moins d'impôts et de régulation, recense les votes des parlementaires sur les textes de loi qu'ils jugent cruciaux.

Sur les 46 représentants républicains considérés par le Club comme les plus conservateurs, 27 ont voté en faveur de l'aide aux agriculteurs, 17 ont voté contre et deux se sont abstenus.

«La réalité est que la plupart des membres du Congrès regardent ce qui va les faire réélire, et cela influence leur idéologie davantage qu'une vision politique détachée», résume Chris Chocola, le président du Club, ancien élu de la Chambre des représentants.