Depuis le début de sa carrière politique, Mitt Romney a présenté aux électeurs une image en constante évolution. Le gouverneur modéré du Massachusetts s'est ainsi mué en croisé de la droite religieuse lors de sa première campagne présidentielle avant d'endosser quatre ans plus tard les habits de l'homme d'affaires expérimenté et compétent.

À 73 jours de l'élection présidentielle américaine, le politicien de 65 ans n'aura sans doute pas le temps d'entreprendre une autre métamorphose. Mais, s'il faut se fier aux plus récents sondages, il doit s'atteler à rétablir son image actuelle, qui a notamment été écornée au cours des derniers mois par les publicités et attaques démocrates sur sa carrière dans le secteur privé et sur ses finances personnelles.

La convention républicaine de Tampa, prévue du 27 au 30 août, pourrait être l'une des dernières occasions offertes à Mitt Romney pour contrer l'idée propagée par ses rivaux selon laquelle il n'est qu'un ploutocrate déconnecté de la réalité des Américains de la classe moyenne.

«Les conventions offrent aux deux partis une chance de produire un grand spectacle télévisé pour le peuple américain et de présenter leur candidat sous son meilleur jour», dit Scott Brown, directeur adjoint de l'Institut de sondage de l'Université de Quinnipiac. «À Tampa, les républicains consacreront donc leurs efforts à présenter Mitt Romney aux électeurs qui ne le connaissent pas et à le présenter à nouveau aux électeurs qui ne l'aiment peut-être pas. Cela signifie qu'ils tenteront de l'humaniser. Ils parleront de ses succès en affaires et le dépeindront comme un être chaleureux.»

«C'est son avant-dernière chance de renverser la vapeur», ajoute le sondeur en précisant que les débats télévisés lui fourniront une occasion ultime de convaincre les indécis à voter pour lui le 6 novembre prochain.

«Un naturel froid et distant»

À la veille de la convention républicaine, Mitt Romney n'accuse pas un retard insurmontable sur Barack Obama. Tant sur le plan national que dans les États-clés de la campagne présidentielle, l'écart entre les deux candidats se situe à l'intérieur de la marge d'erreur dans plusieurs sondages.

Mais ces mêmes baromètres révèlent un problème persistant d'image pour l'ancien entrepreneur multimillionnaire. Plusieurs électeurs semblent avoir assimilé les critiques démocrates sur son bilan à la tête de la société d'investissement Bain Capital, où il serait devenu «pionnier des délocalisations», et son refus de rendre publiques ses déclarations d'impôts sur plusieurs années ou de faire la lumière sur ses investissements offshore.

Selon un sondage NBC News/Wall Street Journal publié cette semaine, pas moins de 44% des Américains disent avoir une opinion plus négative de Mitt Romney en raison de ce qu'ils ont entendu à son sujet au cours des dernières semaines. Un baromètre USA Today/Gallup Poll a par ailleurs indiqué que seulement 31% des électeurs le trouvent sympathique (contre 54% pour Barack Obama).

Conscients de ce problème, les organisateurs de la convention républicaine ont l'intention de présenter à Tampa des témoignages qui mettront non seulement en relief les succès de Mitt Romney dans le secteur privé, mais également sa foi mormone et sa vie familiale.

Mais le candidat républicain devra prendre garde de ne pas forcer la note pour se faire aimer des électeurs, selon Thomas Whalen, politologue à l'Université de Boston.

«Il est d'un naturel froid et distant, constate ce spécialiste de la présidence américaine. Il n'est pas doté d'une aisance relationnelle. S'il essaie d'en faire trop, de jouer au bon gars, cela lui donnera des airs de faux jeton.»

«Il devrait s'en tenir au message qui marche: jobs, jobs, jobs. L'économie, c'est sa carte d'atout», ajoute le professeur bostonien.

À droite toute

Malheureusement pour Mitt Romney, il ne sera pas seulement question d'économie à la convention républicaine. Après le tollé soulevé par les propos du représentant du Missouri Todd Akin sur les grossesses et le viol, la question de l'avortement risque d'attirer l'attention des médias à Tampa.

D'autant plus que les délégués de la convention républicaine seront appelés à adopter un programme prônant l'interdiction de tous les avortements, même dans les cas de viol ou d'inceste. Les délégués seront également invités à adopter une position très restrictive sur l'immigration, autre sujet explosif aux États-Unis.

Ces initiatives compliqueront la tâche de Mitt Romney, qui veut réduire son retard sur Barack Obama auprès des femmes et des hispanophones, deux électorats-clés. De façon plus générale, elles risquent aussi de lui nuire auprès des électeurs centristes ou flottants.

«Romney ne veut pas être à l'extrême droite d'Obama parce que cela lui nuira le jour du scrutin», analyse Christopher Wlezien, politologue à l'Université Temple, à Philadelphie. «Donc, ce qu'il veut faire est d'essayer de se rapprocher le plus possible du centre sans s'aliéner sa base électorale.»

Le jeu d'équilibriste auquel Mitt Romney devra se prêter à Tampa pèsera lourdement sur ses chances de remporter la Maison-Blanche, selon le professeur Wlezien. En fait, si le candidat républicain ne profite pas d'un rebond qui lui permette de devancer Barack Obama dans les sondages après les conventions des deux partis, il pourrait aussi bien dire adieu à la présidence.

«Aucun candidat qui était à la traîne dans les sondages réalisés deux semaines après les conventions n'a réussi à combler l'écart dans les 15 dernières élections présidentielles», affirme le politologue de Temple.

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Et les démocrates?

Tant Barack Obama que Joe Biden continueront à défier la tradition la semaine prochaine en continuant à faire campagne. La coutume voudrait qu'ils laissent toute la place à leurs rivaux républicains pendant leur convention.

Mais le président fera une tournée de deux jours dans trois États-clés de la campagne présidentielle de 2012 - Iowa, Colorado et Virginie -, alors que le vice-président se rendra lundi et mardi à Tampa et dans d'autres villes de Floride.

En 2008, le duo démocrate avait également rompu avec la tradition en faisant campagne pendant la convention républicaine.

La convention démocrate, elle, se tiendra du 4 au 6 septembre à Charlotte, en Caroline-du-Nord. Outre Barack Obama et Joe Biden, elle mettra notamment en vedette l'ancien président Bill Clinton, qui prendra la parole le 5, et le maire de San Antonio, Julian Castro, surnommé l'Obama latino, qui prononcera le discours phare de la convention démocrate le 4.

Le camp de Mitt Romney n'a pas encore fait part de ses plans pour la première semaine de septembre.

Les acteurs de soutien du camp Romney

Ann Romney

On dit souvent de la femme de Mitt Romney qu'elle est son «arme secrète». Mais il n'y aura rien de secret dans le rôle que jouera Ann Romney à Tampa. Celle qui aspire à devenir première dame des États-Unis s'adressera aux délégués de la convention républicaine et aux téléspectateurs lundi ou mardi soir à l'occasion d'un discours attendu. Elle profitera de l'occasion pour brosser le portrait le plus intime et humain possible de son mari, père de ses cinq enfants.

Photo Jewel Samad, Agence France-Presse

Ann Romney

Chris Christie

Deux des trois derniers présidents ont tenu chez les démocrates le rôle qui reviendra à Chris Christie mardi soir à Tampa: prononcer le discours phare de la convention de son parti. Le gouverneur du New Jersey est mieux connu que l'étaient Bill Clinton en 1988 et Barack Obama en 2004 avant leur allocution respective. Mais l'élu au franc-parler pourrait se servir de cette tribune pour confirmer son statut de héraut du conservatisme fiscal.

Photo Paul J. Richards, Agence France-Presse

Chris Christie

Paul Ryan

Le choix de Paul Ryan comme colistier de Mitt Romney a galvanisé les militants républicains, qui reconnaissent en lui un conservateur pur et dur. Mais le représentant du Wisconsin aura sans doute du mal à créer parmi les délégués de Tampa la même frénésie qui avait accueilli le discours de Sarah Palin lors de la convention républicaine de 2008. Il tentera néanmoins, mercredi soir, de se présenter à un public qui le connaît encore mal.

Photo Saul Loeb, Agence France-Presse

Paul Ryan

Marco Rubio

S'il y a un État où le choix de Paul Ryan n'a pas plu à tous les républicains, c'est la Floride. Plusieurs d'entre eux auraient préféré que Marco Rubio devienne le colistier de Mitt Romney. Mais le sénateur de la Floride a remporté un prix de consolation: c'est à lui que les républicains feront appel jeudi soir pour introduire le discours de Mitt Romney, qui sera l'un des moments les plus suivis de la campagne.

Photo Jewel Samad, Agence France-Presse

Marco Rubio