Les Américains ont fait la connaissance de Dan Senor à l'époque où il était porte-parole de la coalition d'occupation dirigée par les États-Unis en Irak. Par moments, le jeune New-Yorkais a donné l'impression de vouloir rivaliser d'absurdité avec «Badgad Bob», surnom donné au dernier ministre de l'information de Saddam Hussein.

«Bagdad est en train de retrouver sécurité et stabilité», répétait-il pendant que la capitale irakienne était mise à feu et à sang.

Dan Senor a refait surface hier dans l'actualité américaine en prédisant que Mitt Romney, dont il est devenu l'un des principaux conseillers en matière de politique étrangère, reconnaîtrait à Israël le droit d'effectuer des frappes préventives et unilatérales contre l'Iran. «Si Israël doit mener une action seul en vue d'empêcher l'Iran de développer ses capacités [nucléaires], le gouverneur respecterait cette décision», a-t-il déclaré aux journalistes quelques heures avant le discours que son patron devait prononcer à Jérusalem, deuxième étape d'une tournée à l'étranger commencée de façon désastreuse à Londres.

Bien sûr, Mitt Romney n'est pas allé aussi loin que ne l'avait prédit son conseiller. Prenant la parole à Jérusalem, il s'est contenté de reconnaître le «droit d'Israël de se défendre», une formulation que Barack Obama a déjà faite sienne. Il a cependant laissé entendre qu'il se montrerait plus ferme à l'égard de l'Iran que le président démocrate.

«Ne nous y trompons pas: les ayatollahs à Téhéran sont en train de tester nos défenses. Ils veulent savoir qui s'opposera à eux et qui prendra une autre voie. Mon message au peuple d'Israël et aux dirigeants iraniens est toujours le même: je ne regarderai pas ailleurs, et mon pays non plus», a dit Mitt Romney après avoir rencontré les dirigeants israéliens, dont le premier ministre Benyamin Nétanyahou et le président Shimon Pérès.

À l'évidence, Dan Senor s'est trompé sur le contenu du discours de Mitt Romney et a peut-être pris ses rêves pour la réalité. Mais sa présence au côté du probable candidat à la présidence illustre le retour en force sur la scène politique américaine des néoconservateurs, qui ont exercé une influence déterminante - et catastrophique, selon leurs critiques - sur la politique étrangère de George W. Bush.

Après son expérience irakienne, Dan Senor a fondé avec William Kristol et Robert Kagan la Foreign Policy Initiative, un nouveau groupe de réflexion néoconservateur qui a pris le relais du Project for the New American Century (PNAC). En 1998, le PNAC, dont plusieurs membres avaient des liens avec les lobbys militaire et pétrolier, avait appelé Bill Clinton et les dirigeants du Congrès à mener une campagne en Irak pour renverser Saddam Hussein.

Huit des signataires de cette lettre, dont John Bolton, Eliot Cohen et Paula Dobriansky, font aujourd'hui partie de l'équipe de conseillers de Mitt Romney en matière de politique étrangère. Bolton, ex-ambassadeur des États-Unis à l'ONU et faucon notoire, a été vanté par Mitt Romney pour sa «sagesse, sa clarté et son courage» après avoir annoncé son appui à l'ancien gouverneur du Massachusetts dans la course à l'investiture républicaine.

L'influence de Senor, de Bolton et des autres néoconservateurs se perçoit dans la volonté exprimée par Mitt Romney de redonner aux États-Unis un rôle hégémonique dans les affaires internationales. «C'est très simple: si vous ne voulez pas que l'Amérique soit la nation la plus puissante du monde, je ne suis pas votre président. Vous avez déjà ce président aujourd'hui», a-t-il déclaré la semaine dernière devant une association d'anciens combattants.

L'influence des néoconservateurs explique aussi pourquoi Mitt Romney n'a pas prononcé une seule fois hier les mots «Palestine» ou «Palestiniens». Il s'est cependant assuré d'irriter ces derniers en présentant Jérusalem comme la «capitale d'Israël», rompant avec la neutralité américaine à ce sujet.