C'est entendu: Mitt Romney ne devrait pas être jugé pour une histoire d'intimidation remontant à sa jeunesse. L'affaire a beau se rapprocher de l'agression homophobe, elle s'est produite en 1965, alors que le fils du gouverneur du Michigan n'avait que 18 ans.

Aujourd'hui âgé de 65 ans, le prétendant républicain à la Maison-Blanche n'aurait ainsi qu'à exprimer du regret pour se racheter et prouver qu'il ne correspond plus au stéréotype du fils à papa qui se croit tout permis. Il pourrait même ajouter un message bien senti contre l'intimidation à l'école, un sujet d'actualité aux États-Unis, où Bully, le documentaire-choc de Lee Hirsch, est encore à l'affiche dans plusieurs villes.

Mais Mitt Romney dit ne plus se souvenir de cette histoire d'intimidation racontée la semaine dernière par le Washington Post. Son trou de mémoire est peut-être encore plus troublant que les faits rapportés par le quotidien.

Selon cinq de ses anciens camarades de classe, Mitt Romney avait pris pour cible John Lauber, un étudiant «sans cesse importuné en raison de son non-conformisme et de son homosexualité présumée», selon la description du Post. Au retour d'un congé de trois semaines, le futur politicien s'était indigné de voir Lauber se promener dans le campus de la Cranbrook School de Bloomfield Hills, dans le Michigan, avec des cheveux teints en blond et une mèche lui tombant sur un oeil.

Romney avait donc convenu avec des amis, quelques jours plus tard, de surprendre le jeune homme dans une pièce et de lui couper les cheveux. «Quand ils sont tombés sur Lauber, ils l'ont plaqué et cloué au sol. Pendant que Lauber, les larmes aux yeux, hurlait au secours, Mitt Romney a coupé ses mèches blondes à l'aide de ciseaux», a raconté le Post.

Quarante-sept ans plus tard, les cinq sources du quotidien américain se disent remplies de remords d'avoir participé à cette agression ou d'y avoir assisté sans intervenir pour aider la victime.

Le reportage du Post contenait d'autres épisodes peu glorieux de l'adolescence de Mitt Romney. Celui-ci s'était notamment moqué d'un professeur presque aveugle en lui faisant croire qu'une porte close était ouverte. Il avait également l'habitude de crier «Atta girl!» («Bravo, ma fille!») lorsqu'un autre étudiant soupçonné d'être homosexuel prenait la parole en classe.

Publié au lendemain du revirement de Barack Obama sur le mariage gai, l'article du Washington Post a mis Mitt Romney sur la défensive, le forçant à présenter des excuses. «Vous savez, au High School, j'ai fait des choses stupides, et si quelqu'un a pu en être blessé ou offensé, alors je m'en excuse», a-t-il déclaré lors d'une entrevue sur Fox News.

L'ancien gouverneur du Massachusetts a cependant déclaré qu'il ne se souvenait pas d'avoir coupé les cheveux de John Lauber ou même d'avoir soupçonné le jeune homme d'être homosexuel.

«Dans les années 60, ce n'était pas quelque chose dont on parlait», a-t-il affirmé en faisant allusion à l'orientation sexuelle de son ancien camarade de classe.

La réaction de Mitt Romney ne met pas seulement en cause son honnêteté, mais également son empathie. L'ancien étudiant de la Cranbrook School a sans doute changé au cours des décennies. Mais l'adulte qu'il est devenu est encore capable de comportements ou de commentaires bizarres ou troublants. N'a-t-il pas décidé un jour de rouler pendant 12 heures - de Boston au Canada - avec un pauvre chien malade arrimé au toit de sa voiture, faute de place à l'intérieur de la voiture familiale?

N'a-t-il pas dit aimer «pouvoir congédier les gens qui m'offrent des services»? N'a-t-il pas affirmé ne pas trop s'en faire «pour les plus pauvres»?

Ces décisions ou déclarations malhabiles ne reflètent peut-être pas la pensée ou la nature de Mitt Romney. Mais elles ont contribué à façonner son image, qui est celle d'un politicien manquant de sensibilité.

Et voilà que Mitt Romney emploie les mots «farce» et «plaisanterie» pour qualifier des comportements qui démontrent une bonne dose de cruauté. Même à 65 ans, il ne semble pas comprendre que ces termes le font passer pour un sans-coeur.