On pourrait presque pardonner à Rick Santorum de croire que Dieu lui-même lui a donné un coup de pouce dans la course à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle du 6 novembre.

Après sa victoire-surprise lors des caucus d'Iowa le 3 janvier, l'ancien sénateur de Pennsylvanie s'était vite dégonflé dans les quatre étapes suivantes - New Hampshire, Caroline-du-Sud, Floride et Nevada -, où il avait fini troisième ou quatrième. Rick qui? Plusieurs journalistes ne se donnaient même plus la peine de répondre à cette question.

Mais Rick Santorum a causé une surprise majeure mardi dernier en remportant trois victoires - au Minnesota, au Missouri et au Colorado - qui ont coïncidé avec le retour sur le devant de la scène politique des questions de société pour lesquelles il s'est fait connaître: le mariage gai, la contraception et l'avortement.

Catholique fervent, père de sept enfants, Santorum n'allait pas rater l'occasion d'exploiter de tels filons, lui qui promet sur son site internet de «rétablir» la grandeur de son pays «par la promotion de la religion, de la famille et de la liberté».

«Sept millions de Californiens ont vu aujourd'hui leurs droits bafoués par des juges militants du neuvième circuit», a-t-il écrit sur son compte Twitter à quelques heures de la fermeture des bureaux de vote mardi dernier. «Comme président, je travaillerai pour protéger le mariage», a-t-il ajouté.

Ce grand brun à lunettes, marié depuis 21 ans, réagissait ainsi à la décision de la cour d'appel fédérale de San Francisco de déclarer «anticonstitutionnelle» l'interdiction du mariage gai en Californie, entérinée par référendum en 2008.

Plus tard, dans son discours de victoire, le politicien de 53 ans a accusé Barack Obama de vouloir «imposer ses valeurs laïques aux gens de ce pays». Il faisait alors allusion à la controverse qui oppose l'administration démocrate à l'Église catholique sur le remboursement des soins contraceptifs.

Et il en a remis le lendemain en affirmant que la voie empruntée par le président dans ce dossier menait à «la guillotine». Rien de moins.

Croisé intrépide

Ceux qui ont suivi la carrière de Rick Santorum n'ont pas été surpris de l'entendre tenir un tel langage. Élu à la Chambre des représentants en 1990, à l'âge de 32 ans, puis au Sénat en 1995, cet avocat de Pittsburgh s'est vite acquis la réputation d'un croisé intrépide.

En 2003, il a notamment soulevé la controverse en s'ouvrant sur son «problème avec les actes homosexuels» lors d'une interview accordée à l'Associated Press. «Si la Cour suprême autorise les actes homosexuels consentis dans nos maisons, alors on aura droit à n'importe quoi: la bigamie, la polygamie, l'inceste et l'adultère», a-t-il déclaré. Plus tard, il a même agité le spectre de la bestialité, évoquant l'hypothèse d'une relation sexuelle entre un homme et son chien.

Ces déclarations ont valu à Rick Santorum l'inimitié des défenseurs des droits des homosexuels, qui ont notamment mené contre lui une campagne sur l'internet, où son nom de famille est devenu un néologisme associé à la sodomie (il suffit de taper «Santorum» dans Google pour avoir les détails).

Mais Rick Santorum n'a jamais cherché à bémoliser ses positions sur les questions de société, et ce, même après avoir subi une retentissante défaite lors de l'élection sénatoriale de Pennsylvanie en 2006. Il demeure opposé non seulement à l'avortement en cas de viol, mais également à la contraception, qui mène à son avis à un relâchement des moeurs.

Un faucon

Sa défense farouche des valeurs chrétiennes et familiales a sans doute joué dans ses récentes victoires et contribué à sa remontée dans les sondages nationaux menés auprès des républicains. Un baromètre publié samedi par Public Policy Polling le plaçait en tête avec une avance de 15 points sur Mitt Romney, dont la campagne traverse une période difficile.

Mais Rick Santorum n'est pas qu'un combattant de Dieu. Grand faucon en matière de politique étrangère, il tient sur les questions économiques un discours populiste qui pourrait le servir au Michigan, État durement touché par la récession, où aura lieu le 28 février une primaire (un autre scrutin semblable sera organisé le même jour en Arizona).

Et Santorum ne manquera pas de répéter l'histoire de son grand-père italien arrivé sans un sou aux États-Unis en 1925.

«Mon grand-père a travaillé dans une mine et vécu dans un baraquement avant de retourner chercher mon père en Italie», a raconté Rick Santorum le soir de sa victoire en Iowa. «Il a travaillé jusqu'à 80 ans, ses mains étaient énormes, elles ont construit ma liberté.»