La course à l'investiture républicaine pour la présidence vient de prendre en Caroline-du-Sud un tournant exaltant pour Newt Gingrich et dangereux pour Mitt Romney, grand favori il y a à peine une semaine pour enlever la primaire de cet État clé.

Vainqueur convaincant de la primaire du New Hampshire, étape précédente de la course, Romney s'est éclipsé devant Gingrich, qui a complété une remontée spectaculaire en remportant une victoire décisive dans un État où, depuis 1980, les électeurs de la primaire républicaine ont couronné l'éventuel candidat de leur parti à la présidence.

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L'ancien président de la Chambre des représentants a récolté 40% des suffrages contre 28% à Romney, 17% à Rick Santorum et 13% à Ron Paul. Il a interprété son triomphe comme le pied de nez des Américains ordinaires «aux élites de Washington et de New York» qui «tentent depuis un demi siècle de les forcer à ne plus être Américains et d'essayer un autre système».

«Ce n'est pas que je suis un bon débatteur», a-t-il déclaré en faisant allusion à ses succès lors de débats récents. «C'est que j'articule les valeurs les plus profondes du peuple américain.»

Bienveillant à l'endroit de ses rivaux républicains, y compris Mitt Romney, le politicien de 68 ans a dénoncé vigoureusement Barack Obama, le qualifiant à plusieurs reprises de «radical».

«Si Barack Obama est réélu après ce désastre, imaginez combien il serait radical au cours d'un deuxième mandat», a-t-il déclaré, critiquant notamment la décision de l'administration démocrate de refuser de donner le feu au projet de construction du pipeline Keystone XL.

«Oh non, on ne veut pas construire un oléoduc depuis le Canada jusqu'à nos plus grands complexes pétrochimiques et gagner de l'argent grâce à l'oléoduc, au raffinage et à l'exportation du pétrole. Oh, non, on ne veut pas, parce que Barack Obama prend soin de ses amis extrémistes de gauche de San Francisco», s'est-il moqué.

La victoire de Gingrich met fin à la semaine la plus mouvementée de la course à l'investiture républicaine. Une semaine qui semble remettre en question l'inévitabilité de la désignation de Mitt Romney pour affronter Barack Obama en novembre prochain.

Romney n'a pas seulement perdu la primaire de la Caroline-du-Sud mais également les caucus d'Iowa, où Rick Santorum a été officiellement déclaré vainqueur vendredi soir par 34 voix. Le Parti républicain de cet État a mis fin à l'ambiguïté entourant ce scrutin, plus de 24 heures après avoir annoncé les résultats d'un nouveau dépouillement des votes qui avait effacé la victoire par huit voix revendiquée par Romney le 3 janvier.

Ainsi, pour la première fois de l'histoire du Parti républicain, trois candidats différents auront remporté les trois premiers scrutins de la course à l'investiture du parti pour la présidence.

«Cette course devient encore plus intéressante», a déclaré Mitt Romney en concédant la victoire lors d'un discours à Columbia au cours duquel il a attaqué Barack Obama en le nommant et Newt Gingrich en taisant son nom.

«Notre parti ne peut être mené à la victoire par quelqu'un qui n'a jamais dirigé une entreprise et jamais dirigé un État. Nous ne pouvons pas défaire un président avec un candidat qui s'est joint à l'assaut contre la libre entreprise», a-t-il déclaré en faisant allusion aux critiques de Newt Gingrich contre sa feuille de route à titre de fondateur de la société d'investissement Bain Capital.

«Ceux qui choisissent les armes de la gauche aujourd'hui vont les voir se retourner contre eux demain. Les Américains demanderont un vrai choix», a-t-il ajouté.

«Je continuerai à me battre. Je livrerai la lutte dans chaque État», a-t-il encore dit.

La course se déplace maintenant en Floride, où une autre primaire aura lieu le 31 janvier. Dans cet État beaucoup plus populeux et modéré que la Caroline-du-Sud, Mitt Romney pourrait bien renouer avec la victoire, jouissant notamment de moyens financiers supérieurs à ceux de ses rivaux.

Mais le triomphe de Newt Gingrich en Caroline-du-Sud fait éclater toutes les certitudes.

«Ce résultat signifie que la course à l'investiture républicaine durera au moins jusqu'au Super Mardi et peut-être au-delà», a déclaré Larry Sabato, politologue à l'Université de Virginie, en faisant référence aux scrutins qui auront lieu le mardi 6 mars dans 11 États, dont l'Ohio, la Virginie, le Massachusetts et la Géorgie.

Newt Gingrich doit en bonne partie sa victoire en Caroline-du-Sud à ses performances lors de deux débats télévisés cette semaine. Jeudi soir, il a notamment retourné contre l'«élite médiatique», bête noire des conservateurs, une question du modérateur de CNN, John King, sur les allégations de sa deuxième femme concernant leur mariage.

À court terme, Newt Gingrich a probablement été le grand gagnant de cette interview diffusée sur ABC au cours de laquelle Marianne Gingrich l'a accusé de lui avoir demandé de vivre dans une relation ouverte afin qu'il puisse poursuivre sa liaison avec sa maîtresse, Callista, qui est devenue sa troisième femme.

L'ancien président de la Chambre des représentants a également gagné des points auprès des conservateurs de Caroline-du-Sud, en défendant, lors du premier débat de la semaine, ses critiques de Barack Obama, qu'il a notamment qualifié de «food stamp president», une expression teintée de racisme selon certains observateurs.

Il a profité en outre des ennuis de Mitt Romney à répondre à des questions sur ses impôts. Après avoir commencé la semaine en déclarant qu'il ne rendrait pas publiques ses déclarations d'impôts, l'ex-homme d'affaires a fini par promettre de le faire. Mais l'incertitude continue à planer sur le moment où il passera à l'action.

Le verdict de la Caroline-du-Sud met en lumière, d'autre part, la méfiance des républicains les plus conservateurs à l'égard de Mitt Romney.

Mais le triomphe de Newt Gingrich pourrait être de courte durée. Dans l'ensemble de la population américaine, l'ancien président de la Chambre des représentants demeure un des politiciens les plus impopulaires. Ses rivaux ne manqueront pas de le rappeler, et il pourrait lui-même en fournir l'illustration rapidement.