Hier, à la veille d'une primaire au New Hampshire dont il devrait sortir gagnant, Mitt Romney a entamé son discours devant la chambre de commerce de Nashua sur un ton plutôt humble. Il a commencé par rappeler ses débuts comme homme d'affaires, «au bas de l'échelle», et dire qu'il a «vu quelques succès et quelques échecs» en gravissant les échelons.

C'était loin d'être un discours à la Gordon Gekko, le requin de la finance qui fait l'apologie de l'appât du gain dans une scène mémorable du film Wall Street, d'Oliver Stone. Mais une de ses déclarations a permis à certains de ses rivaux de le faire passer pour un prédateur capitaliste de la même trempe.

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«J'aime pouvoir congédier les gens qui m'offrent des services», a-t-il déclaré en défendant l'idée de pouvoir choisir entre plusieurs sociétés d'assurance maladie.

La vidéo de cette déclaration s'est aussitôt répandue sur l'internet.

Quelques heures plus tard, Mitt Romney a tenu un point de presse - le premier en plus d'une semaine - pour replacer la phrase dans son contexte. Il en a profité pour revenir sur une autre déclaration, faite la veille, selon laquelle il a éprouvé une ou deux fois la peur de recevoir une lettre de licenciement (pink slip).

Plusieurs commentateurs ont mis en doute ou ridiculisé cette déclaration.

«Je pense que les gens s'imaginent que j'ai commencé au sommet chez Bain&Company, firme-conseil. J'ai commencé au bas de l'échelle», a répété hier le fondateur de la société d'investissement Bain Capital, dont le père a été PDG d'American Motors avant de devenir gouverneur du Michigan.

Les adversaires à l'attaque

Mais les adversaires du politicien multimillionnaire n'ont pas attendu ses explications pour dénoncer ses déclarations malhabiles ou douteuses.

«Le gouverneur Romney aime congédier les gens; j'aime créer des emplois», a déclaré l'ancien gouverneur de l'Utah Jon Huntsman, qui pourrait causer la surprise au New Hampshire en finissant deuxième devant Ron Paul.

Rick Perry a ridiculisé l'autre déclaration du favori de la course à l'investiture républicaine pour la présidence: «Je ne doute pas que Mitt Romney se soit fait du mauvais sang à propos de lettres de licenciement. Il se demandait s'il en aurait assez à distribuer aux travailleurs dont les emplois ont été détruits par Bain Capital», a déclaré le gouverneur du Texas hier matin lors d'un discours en Caroline-du-Sud, où il faisait campagne.

Mitt Romney a dirigé Bain Capital jusqu'en 2003. Ce fonds a investi dans des entreprises en démarrage ou en a acheté d'autres qui ont été «assainies» avant d'être revendues. Certaines ont dû fermer leurs portes et licencier leurs employés après avoir emprunté des sommes d'argent importantes qui ont servi à assurer à Bain Capital des profits mirobolants.

Il était entendu que les alliés démocrates de Barack Obama accuseraient Mitt Romney d'être un «pilleur» d'entreprises. Ce qui est étonnant, c'est que des rivaux républicains de l'ex-homme d'affaires fassent aujourd'hui cette critique digne du mouvement Occupy Wall Street.

«Le capitalisme se résume-t-il vraiment à la capacité d'une poignée de riches à manipuler la vie de milliers d'autres personnes et de se barrer avec l'argent, ou s'agit-il d'un système défectueux?», a demandé Newt Gingrich hier à des journalistes après une rencontre avec les employés d'une société énergétique de Manchester.

King of Bain

Ce message sera bientôt véhiculé en Caroline-du-Sud par un «Super PAC» qui appuie Gingrich. Un Super PAC est une organisation indépendante qui peut récolter et dépenser sans limites pour soutenir un candidat. Celui qui appuie l'ancien président de la Chambre des représentants, appelé Winning Our Future, est financé en partie par le magnat des casinos Sheldon Adelson, qui y a versé 5 millions de dollars.

Une partie de cet argent a servi à l'acquisition d'un documentaire de 28 minutes intitulé King of Bain: When Mitt Romney Came to Town. Le film raconte l'histoire de travailleurs qui ont perdu leurs emplois dans des entreprises rachetées et revendues par Bain Capital. Il servira de matière brute à une campagne publicitaire de 3,4 millions de dollars en Caroline-du-Sud, où aura lieu une primaire le 21 janvier.

Mitt Romney a déjà défendu son bilan à la tête de Bain Capital en soutenant: «Les sociétés que nous avons aidées à démarrer ont créé plus de 100 000 emplois de plus que celles qui ont en ont perdu.» Les médias contestent cette assertion.

Vers un doublé historique?

Mitt Romney pourrait créer un précédent aujourd'hui en triomphant au New Hampshire. Il deviendrait le premier prétendant républicain à la présidence à remporter les caucus de l'Iowa et la primaire du Granite State. Ce doublé historique pourrait donner à l'ancien gouverneur du Massachusetts un élan irrésistible vers l'investiture républicaine pour la présidence. Le politicien de 64 ans jouit d'une avance dans les sondages réalisés dans les deux prochains États qui tiendront des primaires, la Caroline-du-Sud, le 21 janvier, et la Floride, 10 jours plus tard. Le seul suspense véritable au New Hampshire est de savoir qui finira deuxième entre Ron Paul et Jon Huntsman.