Des Moines n'est pas la métropole américaine où vous voulez passer vos vacances si vous aimez l'action. Hier, en fin de matinée, le centre-ville de la capitale de l'Iowa était pratiquement désert. Le calme plat partout.

Ou presque. Exception à la règle: sur Grand Avenue, dans l'une des salles de conférence anonymes d'un chic hôtel, quelques centaines de personnes étaient rassemblées autour d'une petite scène. Elles buvaient les paroles d'un septuagénaire à la silhouette frêle et à la voix parfois chevrotante.

Régulièrement, elles se mettaient à manifester leur approbation et leur enthousiasme. En hurlant de plaisir. Il y avait, là, de l'électricité dans l'air.

Ce rassemblement qui troublait la quiétude hivernale de Des Moines mettait en vedette Ron Paul. Politicien de longue date - élu au Congrès américain dès 1976, il a été candidat à la présidence une première fois en 1988, pour le Parti libertarien -, sa popularité atteint des sommets ces jours-ci en Iowa.

Ce médecin de formation pourrait fort bien, ce soir, jouer les trouble-fête. Empêcher Mitt Romney de remporter la première étape de la course à la direction du Parti républicain. Selon le plus récent sondage du quotidien Des Moines Register, Mitt Romney est en tête à 24%, talonné par Ron Paul à 22%.

La recette du parlementaire de 76 ans est la même depuis des années. «Il n'y a qu'un seul enjeu qui compte. [...] Les libertés individuelles», a-t-il lancé hier à ses partisans. Il a résumé en une seule phrase sa philosophie politique.



Radical ou pas?

À une époque où bon nombre de républicains ont l'impression que le gouvernement fédéral empiète sur leurs libertés individuelles, l'idée de voir Ron Paul élu président est soudainement plus alléchante que jamais.

«La responsabilité du gouvernement est de protéger nos libertés. Pas d'être le gendarme du monde ni d'être un État-providence incontrôlable», a-t-il soutenu. Et d'ajouter: «Quand la Constitution a été rédigée, l'objectif était de limiter de façon stricte le rôle du gouvernement fédéral.»

«Ses orientations trouvent un écho chez les Américains. Quand ils rencontrent quelqu'un qui dit la vérité, ils réagissent avec passion», explique Rick Nova. Il a roulé de Chicago à Des Moines pour encourager son candidat favori et vendre des macarons l'exhortant à «sauver nos libertés».

Les idées de Ron Paul ne plaisent toutefois pas à tous. Surtout pas à l'establishment du Parti républicain. En raison surtout de sa politique étrangère - il en a contre l'interventionnisme américain à l'étranger. Et de sa vision en matière d'économie.

«Certaines de ses idées sont franchement radicales. Se débarrasser de la Réserve fédérale américaine, par exemple...», souligne Larry Happel. Ce grand gaillard de 53 ans a assisté au discours de Ron Paul surtout par curiosité. Il se dit plutôt enclin à voter pour Mitt Romney.

Les plus ardents partisans, eux, assurent que leur candidat est sur la même longueur d'onde que la majorité des républicains. «Non seulement il a une chance de gagner les caucus, mais il va aussi remporter la course», lance Tara Wilkins avec un accès d'enthousiasme tel qu'elle en crie presque.

Séduits par Santorum

Il n'y avait personne d'aussi exalté, deux heures plus tôt, au rassemblement d'un autre candidat républicain incontournable, Rick Santorum. Celui-ci vient néanmoins, subitement, de connaître une ascension fulgurante. Selon certains sondages, il se serait hissé au deuxième rang, coiffant Ron Paul.

Cet ancien sénateur de Pennsylvanie avait donné rendez-vous à ses partisans dans un minuscule café de Polk City. Une municipalité séparée de Des Moines par quelques kilomètres de champs et de terres gelés.

Il y avait sur place très certainement deux, voire trois ou quatre fois plus de journalistes que d'électeurs potentiels. Or, si ceux-ci étaient peu nombreux et discrets, ils semblaient loyaux.

Rick Santorum est l'un des républicains qui mettent de l'avant les valeurs chères aux chrétiens évangéliques, qui abondent en Iowa. Hier, il a dénoncé l'avortement sur le même ton outré utilisé pour décrier le président Barack Obama.

Une stratégie qui a séduit Jody Miller, 82 ans. «J'aime ses idées au sujet de l'avortement, du mariage, des valeurs familiales, dit-elle. Ses valeurs sont très importantes. Autant que la façon dont il saura résoudre les problèmes internationaux et ceux de l'économie.»

Photo: Jim Young, Reuters

Ron Paul, éternel survivant du Parti républicain, talonne le meneur Mitt Romney.