Il est encore difficile d'imaginer un scénario qui ne se termine pas par une victoire de Mitt Romney dans la course à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 2012. De tous les candidats en lice, l'ancien gouverneur du Massachusetts est probablement le plus susceptible de battre Barack Obama. Mais avant d'en arriver là, les républicains semblent vouloir le soumettre à une expérience plutôt humiliante en flirtant avec ses rivaux les moins présentables.

Michele Bachmann, Rick Perry, Herman Cain, tous ces candidats ont devancé Mitt Romney dans des sondages pendant une certaine période de temps avant de démontrer le ridicule de leurs ambitions présidentielles à ceux que la chose n'avait pas d'emblée sauté aux yeux. L'un d'eux, accusé de harcèlement sexuel et d'adultère, a annoncé samedi sa décision de se retirer de la course.

«Je suis en paix avec mon Dieu. Je suis en paix avec ma femme, et elle est en paix avec moi», a déclaré Herman Cain en jetant l'éponge.

Et voici que Newt Gingrich, un adultère confirmé, est la nouvelle coqueluche du parti des valeurs familiales. Perçu par plusieurs Américains comme l'archétype du has-been politique, Newt Gingrich éclipse en effet à son tour Mitt Romney dans des sondages réalisés à la grandeur des États-Unis ainsi que dans les États où auront lieu les premiers rendez-vous électoraux de la course à l'investiture républicaine, exception faite du New Hampshire.

Stratèges confiants

L'un de ces baromètres, publié samedi par le Des Moines Register, donne l'ancien président de la Chambre des représentants gagnant dans l'Iowa avec 25% des intentions de vote contre 18% pour Ron Paul et 16% pour Mitt Romney. Tous les autres prétendants républicains, dont Michele Bachmann et Rick Perry, récoltent moins de 10% d'appuis chez les républicains de cet État rural du Midwest qui tiendra ses traditionnels caucus le 3 janvier.

Les stratèges de Mitt Romney prétendent ne pas s'inquiéter de la percée de Newt Gingrich, qui jouit d'une avance de 21 points à l'échelle nationale sur tous ses rivaux républicains selon un sondage Rasmussen publié la semaine dernière. Ils prédisent au politicien de 68 ans la même trajectoire que celle des Bachmann, Perry et Cain: une montée spectaculaire suivie d'une descente précipitée.

«J'aime Wikipedia. Nous n'avons rien que les dieux de Google ne nous ont pas donné», a déclaré un conseiller anonyme de Mitt Romney au journal Politico.

Ce stratège se frottait les mains en pensant aux informations gênantes que tout internaute peut trouver au sujet de Newt Gingrich sur l'internet. Des informations sur sa vie privée, marquée notamment par cette relation extraconjugale nouée alors même que la Chambre dont il était le président mettait en accusation Bill Clinton pour avoir menti sur sa relation sexuelle avec Monica Lewinsky, une stagiaire de la Maison-Blanche.

Parcours tortueux de Gingrich

Des informations touchant aussi à son parcours tortueux depuis son départ de la Chambre, en 1999. Plusieurs médias et certains rivaux républicains de Newt Gingrich ont commencé à mettre en lumière ses liens financiers avec certaines organisations honnies des conservateurs, dont Freddie Mac, le géant du refinancement hypothécaire. Ils rappellent également ses nombreuses volte-face, que ce soit sur la santé, l'environnement ou la Libye.

Mais ce sont les volte-face de Mitt Romney et non pas celles de Newt Gingrich qui semblent aujourd'hui avoir le plus grand impact auprès des électeurs républicains et de leurs médias préférés. L'ancien gouverneur du Massachusetts a notamment passé un mauvais quart d'heure mardi dernier lors d'une interview accordée à Bret Baier de Fox News, qui lui a remis sur le nez les positions modérées ou progressistes qu'il a défendues par le passé sur l'avortement, l'immigration, la santé et l'environnement, entre autres.

Baier a ajouté au calvaire du républicain en révélant que celui-ci s'était plaint après l'interview de son ton «trop agressif» et «déplacé». Mitt Romney? Pleurnicheur en plus que d'être girouette!

L'ironie veut que Mitt Romney ne puisse pas tabler sur la religion pour faire oublier ses lacunes, comme d'autres prétendants républicains le font. Marié à la même femme depuis 42 ans et père de cinq enfants, il ne mentionne presque jamais sa foi, ancrée dans une religion - le mormonisme - considérée comme une secte par plusieurs électeurs évangéliques qui forment une partie importante de l'électorat républicain.

Des évangéliques qui, comble de l'ironie, flirtent aujourd'hui avec un catholique converti et divorcé deux fois plutôt qu'une.