Noir dans le sud américain ségrégationniste, à la tête d'une chaîne de pizzerias moribonde, Herman Cain avait jusqu'ici bravé l'adversité grâce à son optimisme, mais les accusations de harcèlement sexuel ont eu raison de sa candidature à l'investiture pour la présidentielle.

Pourtant, l'homme à la voix de stentor et au sourire éclatant en avait vu d'autres au cours de sa vie. Et c'est justement en capitalisant sur sa «success story» qu'il comptait rallier les voix en vue de l'investiture républicaine pour la course à la présidentielle de l'an prochain.

Né pauvre dans le vieux Sud il y a 66 ans, élevé à Atlanta dans les années 50, dans une Géorgie qui pratiquait encore la ségrégation raciale, Herman Cain en a, selon ses propres dires, bavé.

Après des études de mathématiques dans une université réservée aux Noirs, il gravit l'échelle sociale pour se retrouver, en plein dans les années Reagan, patron de la chaîne de pizzerias Godfather's qui a connu des jours meilleurs.

Il en fait un pilier de la restauration rapide américaine. Première grosse victoire. D'autres suivront, et, avec elles, des invitations à siéger à nombre de conseils d'administration.

Mais la politique le démange.

Son engagement, il le voit à droite, au sein du parti républicain. Inévitablement, aux États-Unis, un Noir chez les républicains ne manque pas de susciter quelques questions, surtout lorsque bon nombre de ses sympathisants se reconnaissent dans la mouvance ultraconservatrice du Tea Party.

Mais Herman Cain assume. En septembre, sur CNN, il jugeait ainsi que ses compatriotes noirs avaient subi «un lavage de cerveau» qui les empêchait «d'envisager d'adopter un point de vue conservateur».

«On m'a traité d'"Oncle Tom", de "vendu", d'"Oreo"», racontait récemment le candidat à un auditoire majoritairement blanc de l'Iowa (centre).

«Comme aurait dit mon grand-père: "m'est égal, m'est égal"».

Alors, quand on lui parlait de sa couleur de peau lors de sa campagne, Herman Cain, qui n'a jamais eu de mandat électif, préférait parler impôts.

Éphémère coqueluche des sondages au début de la campagne, il a rapidement été éclipsé par les poids lourds du parti républicain: Mitt Romney et, plus récemment, Newt Gingrich.

C'est que l'optimiste bataillait ferme depuis plusieurs semaines.

Il y a eu ses bourdes et hésitations sur les dossiers chauds de l'actualité internationale. «Suis-je d'accord sur le fait que la Libye a maintenant un pays où les talibans et Al-Qaïda vont faire partie du gouvernement ?», s'interrogeait-il, à tort, lors d'une conférence de presse à la mi-novembre.

Mais ce sont plus certainement les accusations de harcèlement sexuel et d'adultère qui ont eu raison de sa campagne.

Depuis fin octobre, quatre femmes l'ont mis en cause pour des faits de harcèlement sexuel, dont une est sortie de l'anonymat. Là, le sourire d'Herman Cain a commencé à se figer.

«Concernant les accusations les plus récentes, je n'ai jamais agi de façon déplacée avec quiconque. Point», disait-il le 8 novembre d'une conférence de presse.

Si elle ne s'est pas éteinte, la polémique s'est calmée pendant un moment, jusqu'à ce que Ginger White, une femme d'affaires, sorte de l'ombre pour prononcer ce mot honni de l'opinion publique américaine: adultère. Sur la télévision locale Fox News d'Atlanta, Mme White a raconté la relation longue de 13 ans, qu'elle a dit avoir eue avec Herman Cain.

«Je savais qu'il était marié. Et je savais aussi que j'étais engagée dans une relation peu convenable», a-t-elle confié.

Là encore, M. Cain a tenté de limiter la casse, démentant, réfutant, niant les accusations de Ginger White.

Peine perdue: en chute libre dans les sondages, démoralisé par les accusations et l'opprobre, l'éternel optimiste a finalement jeté l'éponge samedi.