Roslin Azmy Hassan ne doute pas un instant que l'attribution par le gouvernement libérien d'une importante concession territoriale à son entreprise, Sime Darby, profitera largement au pays et à sa population.

L'apport technologique et financier de ce gigantesque conglomérat malaisien ne peut qu'aider l'État africain dans sa difficile remise sur pied après une longue guerre civile, assure le directeur général des opérations pour le Liberia.

« C'est le même modèle qui a permis le développement de la Malaisie. Il y a 50, 60 ans, notre pays n'était pas en meilleur état que ne l'est le Liberia aujourd'hui, mais nous avons appris des Britanniques », souligne M. Hassan, lui-même d'origine malaisienne.

« Les gens ne peuvent nier que les résultats ont été probants pour améliorer la qualité de vie de la population chez nous », a-t-il déclaré à La Presse en laissant percer une pointe d'exaspération.

Son agacement témoigne des difficultés rencontrées par Sime Darby depuis la signature, en 2009, d'une entente avec les autorités de Monrovia lui permettant d'exploiter, sur une période de plus de 60 ans, plus de 200 000 hectares du pays.

L'entreprise souhaitait procéder rapidement à la plantation à grande échelle de palmiers à huile et d'hévéas pour la production de caoutchouc. Ses élans ont toutefois été freinés par la présence, sur les terres concédées, de petits agriculteurs outrés des concessions gouvernementales.

« Le gouvernement nous avait donné l'assurance que les terres seraient libres de toute entrave. Il a reconnu par la suite qu'il avait commis une erreur importante en ne consultant pas de manière adéquate les communautés concernées », note

M. Hassan.

« Nous avons perdu deux ans en raison des problèmes liés à la propriété des terres », juge l'administrateur, qui insiste sur le fait que l'entreprise a limité son développement jusqu'à maintenant à une portion de 20 000 hectares de la concession afin de minimiser les frictions.

EXERCICE DE RELATIONS PUBLIQUES

Après avoir été initialement écorchée dans les médias libériens pour avoir rasé sans préavis des terres utilisées par des agriculteurs, la firme a changé son fusil d'épaule et multiplie aujourd'hui les déclarations de bonne foi.

Lors du passage de La Presse à la plantation, située dans l'ouest du Liberia, M. Hassan et plusieurs autres administrateurs participaient à un exercice de relations publiques visant à convaincre un contingent de journalistes libériens de l'intérêt de la plantation pour le pays et de la sensibilité de l'entreprise aux récriminations des agriculteurs.

La firme, qui emploie actuellement près de 3000 personnes, a notamment fait visiter à cette occasion plusieurs écoles construites pour la population locale, un dispensaire, ainsi que des résidences pour les familles des ouvriers. Elle a aussi fait valoir que des centaines de milliers de dollars, voire des millions, avaient été versés pour indemniser les personnes privées de terres.

« Nous sommes la seule grande société présente ici qui peut offrir des investissements à la population locale », note M. Hassan, qui se réjouit de la conclusion récente, avec un clan du comté de Grand Cape Mount, d'un accord fixant les conditions d'indemnisation pour les terres cédées et les responsabilités mutuelles des deux parties. « Il servira de modèle pour nos projets d'expansion territoriale », dit M. Hassan.

L'implantation de Sime Darby au Liberia génère son lot de difficultés, notamment en raison des infrastructures déficientes. Mais la société dit y trouver son compte. Les terres sont peu coûteuses. La firme verse annuellement au gouvernement 1,25 $ par hectare non développé et 5 $ par hectare développé.

Pourquoi ne pas investir plutôt en Malaisie ? « Il n'y a plus de terres disponibles là-bas, tout a été développé. Environ 60 % du territoire est couvert par des forêts, mais le gouvernement refuse qu'on y touche », souligne M. Hassan.