Le prix Nobel de la paix 2012 a été attribué vendredi à l'Union européenne aujourd'hui empêtrée dans la crise de la zone euro, mais qui a contribué à pacifier un continent ravagé par deux guerres mondiales.

« L'UE et ses précurseurs contribuent depuis plus de six décennies à promouvoir la paix, la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe », a déclaré à Oslo le très europhile président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland, dont le pays, paradoxalement, n'est pas membre de l'Union.

Le Nobel est attribué sur fond de désunion des États européens, dont la solidarité est actuellement mise à rude épreuve : les riches économies du Nord traînent des pieds pour venir en aide aux pays du Sud financièrement asphyxiés par une dette publique excessive et soumis à d'impopulaires cures d'austérité.

Ce test, dont les résultats sont encore en suspens, a d'ores et déjà révélé de profondes fissures dans l'édifice européen, qui souffre déjà de son image bureaucratique et distante au sein des opinions publiques.

L'annonce a naturellement été bien accueillie en Europe, mais a aussi fait sourciller en raison de son « timing ».

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy s'est félicité que les Européens soient parvenus à « former ensemble un continent de paix et de prospérité ». « Un grand honneur pour l'ensemble de l'Union européenne, pour ses 500 millions de citoyens », a renchéri le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.

Dans les capitales européennes, le Nobel a mis du baume au coeur des dirigeants qui s'en sont félicités même si la Grande-Bretagne, généralement considérée comme moins « euro-enthousiaste », s'est contentée de réagir du bout des lèvres.

Au-delà du Vieux Continent, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton s'est félicitée de la consécration d'une Europe « unie et en paix ».

Mais, de Lech Walesa aux eurosceptiques britanniques, le Nobel a connu son lot de critiques, y compris en Norvège elle-même.

Sur la toile, certains commentaires étaient acerbes comme cet internaute qui considère l'UE comme moribonde et qui confiait sur Twitter que « cette façon de décorer les gens à titre posthume m'a toujours fait sourire ». « L'Europe pas prix Nobel de la paix sociale... », remarquait aussi le philosophe Michel Onfray.

Reconnaissant que « l'UE connaît actuellement de graves difficultés économiques et des troubles sociaux considérables », M. Jagland a fait valoir qu'elle avait contribué à muer l'Europe « d'un continent de guerre vers un continent de paix ».

« Aujourd'hui, une guerre entre l'Allemagne et la France est impensable », a-t-il dit.

Née sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale sous l'impulsion des six pays signataires du Traité de Rome en 1957, l'UE, alors baptisée Communauté économique européenne, a aidé à stabiliser un continent coutumier des conflits.

Malgré des crises de croissance récurrentes, l'union a lié les destins des ennemis d'hier et est devenue le plus grand marché commun et la première puissance économique au monde.

Au fil des ans, le projet s'est étoffé et étendu jusqu'à englober 27 États situés il n'y a pas si longtemps des deux côtés du « Rideau de fer » et affichant de grandes disparités économiques, sociales et culturelles, mais qui partagent notamment aujourd'hui, pour 17 d'entre eux, une monnaie unique.

Selon le président du comité, par ailleurs secrétaire général du Conseil de l'Europe, il reviendra à l'UE de choisir qui viendra recevoir le prix à Oslo le 10 décembre, date anniversaire de la mort de son fondateur, l'industriel et philanthrope suédois Alfred Nobel.

En visite à Helsinki, M. Van Rompuy a appelé à « savourer » le Nobel avant de trancher cette question - révélatrice de la direction extrêmement polycéphale de l'union.

Ce prix de la paix est un pavé dans la mare en Norvège, opulente nation où la prestigieuse récompense est décernée et qui a elle-même rejeté une adhésion à deux reprises lors des référendums de 1972 et 1994.

Près de trois habitants sur quatre diraient aujourd'hui « nei (non) » à l'UE, selon les derniers sondages. Tout en félicitant l'UE, le premier ministre norvégien Jens Stoltenberg a de nouveau exclu une adhésion de son pays.

Avec ce prix qui consiste en une médaille, un diplôme et un chèque de 8 millions de couronnes suédoises (1 170 000 $), le comité Nobel répare un oubli historique, nombre de commentateurs s'accordant à dire qu'après Gandhi, le projet européen était l'autre « grand absent » de la famille des lauréats.