Jeffrey Marx n'est pas prêt à applaudir Michael Bloomberg, loin de là. Mais il est persuadé que la décision du maire de New York de déployer des centaines de policiers pour évacuer la place Zuccotti, campement symbolique du mouvement Occupy Wall Street, finira par tourner en faveur des «indignés».

«Chaque fois que la police a utilisé la force contre nous, notre mouvement a gagné de nouveaux militants», a dit le réceptionniste de 34 ans, qui s'est lui-même joint au mouvement après l'arrestation de quelque 700 manifestants sur le pont de Brooklyn, le 1er octobre.

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«Les gens savent que ce n'est pas correct», a-t-il ajouté en faisant référence au raid policier, exécuté à la faveur de la nuit, qui a mené au démantèlement du campement de la place Zuccotti et à l'arrestation de près de 200 personnes, dont au moins 5 journalistes.

L'avenir dira si Jeffrey Marx a raison.

En attendant, le maire Bloomberg a gagné une manche contre les indignés de Zuccotti Park. Ceux-ci pourront continuer à protester sur cette place située à un jet de pierre de Wall Street, mais ils ne pourront plus y camper, ce qu'un juge new-yorkais a confirmé en fin d'après-midi.

«Ils [les manifestants] n'ont pas réussi à démontrer que le fait de rester sur la place Zuccotti relevait du premier amendement» de la Constitution américaine sur la liberté d'expression, a écrit le juge Michael Stallman dans sa décision.

Le magistrat a ajouté que les «tentes, équipements, générateurs et installations» des militants d'Occupy Wall Street vont à l'encontre des «droits et devoirs du propriétaire d'entretenir le parc, ou encore des droits des gens qui voudraient profiter de cet espace en toute sécurité».

Peu après ce verdict, la police de New York a permis aux manifestants de retourner sur la place Zuccotti, qui appartient à la société immobilière Brookfield Properties.

«La place Zuccotti restera ouverte pour tous ceux qui veulent en jouir, tant qu'ils respecteront les règlements du parc», a déclaré Michael Bloomberg dans un communiqué.

Au début de la journée, le maire de New York a justifié l'expulsion des indignés en évoquant notamment des raisons de «sécurité et de santé».

«La majorité des protestataires était pacifique et responsable. Mais une minorité ne l'était pas, et avec l'augmentation du nombre de protestataires, cela a créé une situation intolérable», a déclaré Michael Bloomberg lors d'une conférence de presse.

Des centaines de manifestants ont célébré dans la joie la réouverture de la place Zuccotti, qu'ils occupaient depuis le 17 septembre. En début de soirée, le bruit des tambours s'est de nouveau fait entendre, de même que le chant des slogans. «Vous ne pouvez pas évincer une idée», a-t-on notamment entendu.

Tous les indignés ont cependant dénoncé avec vigueur le raid du NYPD, le qualifiant de «brutal» ou d'«illégal».

«Ils nous ont à peine donnés 10 minutes pour quitter le parc de façon pacifique», a raconté Tiffany Rose, une femme de 27 ans originaire du New Jersey qui a campé pendant 44 jours sur la place Zuccotti. «Au bout de 10 minutes, ils ont commencé à utiliser du gaz poivre, des bombes assourdissantes, des bombes lacrymogènes et leurs matraques.»

«C'était tellement propre et bien organisé ici, a-t-elle ajouté. Nous avions notre cuisine, notre bibliothèque avec 500 livres, notre centre médias, notre clinique. Nous avions commencé à établir une véritable communauté et ils ont tout détruit en quelques heures.»

Jason LaTour, un New-Yorkais de 25 ans qui a travaillé à la cuisine du campement, a brossé un portrait moins idyllique de la place Zuccotti.

«L'endroit était devenu difficile à gérer. De plus en plus de gens venaient ici pour consommer de l'alcool ou de la drogue. Cela créait un climat instable, dangereux. Dans un sens, l'évacuation permettra peut-être de relancer le mouvement sur des bases plus saines», a-t-il dit.

Deborah Goodman, secrétaire à la retraite de 50 ans, partage le même espoir.

«Chaque fois que le maire Bloomberg tente de nous écraser, nous en sortons plus forts», a-t-elle déclaré.