Guantanamo sera fermé, la torture est mise hors la loi, de même que les prisons secrètes de la CIA: Barack Obama a rompu avec les mesures les plus controversées de l'administration Bush mais est déjà rattrapé par l'ampleur de la tâche.

«Pendant ses cent premiers jours, Barack Obama a fait des progrès significatifs pour réformer les méthodes musclées de l'administration Bush en matière d'anti-terrorisme», reconnaît Human Rights Watch (HRW) dans un communiqué.

Mais, nuance l'organisation américaine de défense des droits de l'homme, «son gouvernement a aussi fait plusieurs faux pas».

S'il a tenu très vite sa promesse de fermer en l'espace d'un an la prison la plus controversée du monde et de mettre fin à l'usage de la torture dans les interrogatoires anti-terroristes, le nouveau président américain hérite une situation des plus embrouillées.

«Comment rectifier les erreurs commises (...) et élaborer une nouvelle politique de manière consensuelle?», s'interroge Daniel Prieto, chercheur au Centre des affaires étrangères.

Parmi les quelque 240 hommes actuellement détenus sur la base navale de Guantanamo, une soixantaine sont aujourd'hui libérables, mais à condition de leur trouver des pays d'accueil. L'administration Bush en avait en outre inculpé une vingtaine pour terrorisme, dont deux ont été arrêtés alors qu'ils étaient adolescents.

Un groupe de travail intergouvernemental a entamé dès février le réexamen de chaque dossier. Officiellement, aucune décision n'est encore arrêtée mais, et l'administration Obama ne s'en cache pas, entre ceux qui seront relâchés et ceux qui seront inculpés, une troisième catégorie de prisonniers va apparaître: ceux qui sont jugés trop dangereux pour être libérés mais qui ne peuvent être poursuivis, essentiellement parce qu'ils ont subi de mauvais traitements.

Une brèche dans laquelle les organisations de défense des droits de l'homme refusent de voir s'enfoncer l'Amérique.

«La manière dont la nouvelle administration va fermer Guantanamo constituera un test fondamental», estime HRW.

Parallèlement, avocats, juges et associations se plaignent de la manière dont, devant les tribunaux, la nouvelle administration tend à jouer la montre sur les questions d'anti-terrorisme.

En février, lorqu'elle a brandi le principe du «secret d'État» pour obtenir le classement d'une plainte déposée par cinq hommes se disant victimes du programme de prisons secrètes de la CIA, l'administration a subi les reproches les plus virulents.

Reste que le «courage» de M. Obama est loué de toutes parts pour avoir publié des notes internes au gouvernement Bush révélant l'existence d'un cadre juridique aux méthodes d'interrogatoires musclés, voire à la torture.

De multiples voix s'élèvent pour que les auteurs de ces notes, ainsi que les responsables politiques auxquels ils obéissaient - l'ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld ou l'ancien vice-président Dick Cheney - aient à répondre de leurs actes devant la justice.

M. Obama, lui, est très réticent à l'ouverture d'une enquête. Le risque politique, explique M. Prieto, est en effet «de semer la discorde et de provoquer des rancoeurs dans un pays déjà profondément divisé».

Le président a néanmoins laissé ouverte la possibilité de poursuivre les rédacteurs de ces notes internes. Si tel est le cas, prévient l'analyste, «l'immense défi sera d'éviter que cette procédure soit perçue comme un effort purement partisan et de créer un mécanisme équitable, qui ne dégénère pas en cirque».