Le 29 avril, Barack Obama complétera ses 100 premiers jours à la Maison-Blanche, une étape hautement symbolique qui rappelle les débuts d'un des plus grands présidents américains, le démocrate Franklin D. Roosevelt.

Les États-Unis n'avaient jamais connu un début de présidence aussi mouvementé : entre le 3 mars 1933, date de l'assermentation de Franklin Roosevelt, et la fin d'une session spéciale du Congrès, le 16 juin 1933, le père du New Deal transforma son pays en promulguant pas moins de 15 textes de loi majeurs et en redonnant confiance aux Américains ébranlés et appauvris par une grave crise économique. Le hasard voulut que cette période décisive durât un peu plus de 100 jours. 

Depuis lors, le concept des «100 premiers jours» s'est enraciné dans la vie politique des États-Unis, chaque président tentant de profiter de sa lune de miel avec le public et le Congrès pour mettre en chantier, le plus rapidement possible, ses principaux projets. Conscient du poids et de la nature arbitraire de cet aspect de l'héritage de Roosevelt, John Kennedy avait tenu à avertir les Américains, lors de son discours d'assermentation, que son ambitieux programme ne serait pas complété dans les 100 premiers jours de sa présidence, «pas même dans les 1 000 premiers jours ou pendant la durée de mon gouvernement ou durant l'existence de notre planète».

Qu'à cela ne tienne : les médias américains, friands de chiffres ronds, ont déjà commencé à analyser les 100 premiers jours de Barack Obama à la Maison-Blanche, qui tomberont le 29 avril. Et, s'il faut se fier à Allan Lichtman, professeur d'histoire à l'American University de Washington, ils devront conclure qu'»aucun président américain depuis Roosevelt n'aura été plus actif» que le 44e au cours de cette période hautement symbolique.

«Vous pouvez aimer ou ne pas aimer ce que Barack Obama a accompli, mais il a certainement fait beaucoup de choses, dit l'historien. Il ne susciterait pas une réaction aussi passionnée chez les conservateurs s'il n'avait pas été aussi actif.»

Une bonne performance

De façon générale, historiens, politologues et commentateurs créditent Barack Obama d'une bonne, voire excellente, performance durant ses 100 premiers jours à la présidence. Malgré quelques faux pas lors de la formation de son cabinet, le démocrate de 47 ans a démontré, à leurs yeux, une efficacité certaine dans la gestion de la Maison-Blanche, de son programme et de son image.

Cette semaine, David Broder, doyen des chroniqueurs politiques de Washington, a donné le la à ses collègues avec ce verdict : «Plusieurs membres du cabinet en sont encore au stade de l'apprentissage, mais l'équipe de la Maison-Blanche a contribué à ce qui a été une performance brillante de la part d'Obama. Ce qui est frappant est la capacité de l'équipe d'évoluer à un rythme rapide afin d'attaquer les défis hérités et de lancer des efforts ambitieux sans créer une impression de confusion à propos des priorités du président.»

La longue liste des lois, décrets et plans promulgués par Barack Obama durant ses 100 premiers jours s'étend à plusieurs domaines, de la finance à l'immobilier, en passant par l'avortement, l'automobile, la santé, l'environnement, l'Afghanistan et le traitement des suspects de terrorisme. Mais, de l'avis de la plupart des experts, aucune de ces mesures n'est plus importante que le plan de relance économique d'un montant de 787 milliards de dollars adopté à la mi-février. Le nouveau chef de Blanche peut se vanter d'être le seul président à avoir obtenu du Congrès autant d'argent aussi rapidement.

Il pourrait certes avoir à s'en repentir si son plan se solde par un échec, comme l'ont prédit les républicains, qui s'y sont massivement opposés.

«Le succès de sa présidence dépendra du rendement de l'économie dans six mois ou un an», dit John Burke, spécialiste de la présidence à l'Université du Vermont. «Pour le moment, le public comprend que l'économie ne s'améliorera pas dans un ou deux mois.»

La peur des conservateurs

En fait, le succès éventuel de son programme économique pourrait aider Barack Obama à devenir une figure transformatrice à la Roosevelt, selon Allan Lichtman, l'historien.

«Nous sommes à la fin d'une ère conservatrice qui a commencé avec l'élection de Ronald Reagan en 1980 et le début d'une nouvelle ère dans l'histoire politique américaine. Ces tournants ont toujours produit des changements significatifs», dit-il.

Mais n'est pas FDR qui veut. Pour accomplir ses réformes prioritaires dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'énergie, Barack Obama aura besoin d'une poigne qu'il n'a pas démontrée durant ses 100 premiers jours, selon H.W. Brands, historien à l'Université du Texas et auteur de Traitor to His Class, une biographie de Roosevelt.

«Obama n'a pas encore prouvé qu'il pouvait inspirer la peur chez les démocrates et les républicains du Congrès, dit-il. C'est une chose qui le différencie de Roosevelt. Derrière son sourire permanent, Roosevelt dissimulait une dureté qui lui permettait d'isoler les républicains et les démocrates conservateurs. Nous n'avons pas encore vu cela chez Obama.»

Le nouveau président n'a peut-être pas encore intimidé les républicains du Congrès, mais il fait certainement peur à plusieurs commentateurs conservateurs, dont David Frum, ex-rédacteur des discours de George W. Bush, qui voit un désastre financier se profiler à l'horizon en raison de ses politiques.

«Je ne le blâme pas d'emprunter pour sortir les États-Unis et les économies mondiales de leur marasme actuel, a-t-il écrit récemment. Je le blâme d'assortir ses emprunts à une longue liste d'interventions étatiques discréditées. Celles-ci vont lourdement hypothéquer l'avenir des Américains qui hériteront de sa dette.»

D'autres conservateurs plus hyperboliques n'hésitent pas à accuser Barack Obama de vouloir mener les États-Unis sur la voie du socialisme, du communisme, voire du fascisme. Le nouveau président peut sans doute se consoler en se disant que Franklin Roosevelt a fait face aux mêmes accusations en son temps.