Un homme a été tué par balle vendredi au Caire, lorsque les forces de l'ordre ont tenté de disperser par la force des manifestants lançant des cocktails Molotov contre le palais présidentiel, au cours d'une nouvelle journée de protestations contre le président islamiste Mohamed Morsi.

Mohammed Hussein Qarni, 23 ans, a succombé à une blessure infligée par un tir de grenaille devant le palais présidentiel, a annoncé à l'AFP Ahmed al-Ansari, un haut responsable des autorités sanitaires égyptiennes.

Il a ajouté que 53 personnes avaient été blessées dans les affrontements qui ont opposé la police aux manifestants dans plusieurs villes du pays.

La présidence a averti, dans un communiqué, que les forces de sécurité agiraient «avec la plus grande fermeté pour appliquer la loi et protéger les bâtiments publics», en soulignant que «les forces politiques qui auraient incité (à ces actes) en assumeraient l'entière responsabilité».

Les heurts, qui se poursuivaient tard le soir, ont éclaté en dépit de l'engagement de l'ensemble des forces politiques à éviter la violence, après des accrochages qui ont fait 56 morts en une semaine dans le pays divisé entre pro et antiMorsi, premier président civil et islamiste d'Égypte élu en juin.

Rassemblés à l'appel du Front du salut national (FSN), la principale coalition de l'opposition, les manifestants ont lancé pierres, cocktails Molotov et feux d'artifice contre le palais et les forces de l'ordre qui ont fait usage à leur tour de canons à eau et de gaz lacrymogènes et ont tiré en l'air.

Les protestataires ont mis le feu à des pneus en criant «le peuple veut la chute du régime», le slogan lancé il y a deux ans pendant la révolte populaire qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak.

La police a dû, un moment, se replier vers l'enceinte du palais d'Héliopolis, certains manifestants ayant réussi à retirer des fils barbelés et tenté d'escalader l'un des portails.

«Personne ne nous fera bouger d'ici», a lancé Ahmed Gamal, un jeune manifestant cagoulé. «Nous ne partirons que lorsque nous aurons renversé Morsi», a renchéri Mohamed Samir, un chômeur de 32 ans.

Près de la place Tahrir au Caire, non loin des ambassades américaine et britannique, des heurts sporadiques ont opposé la police à des manifestants dont deux ont été blessés par des tirs de chevrotine, selon des témoins.

Les opposants au président Morsi ont comparé les pratiques de la police au cours des derniers incidents à celles sous le président déchu Hosni Moubarak. Des policiers ont été filmés en direct à la télévision frappant et traînant un homme nu vers un véhicule blindé. Le ministre de l'Intérieur Mohammed Ibrahim a ordonné une enquête pour établir la responsabilité des policiers qui ont battu le manifestant nu.

Le ministère de l'Intérieur a recensé cinq policiers blessés. La police a arrêté 20 personnes, selon un responsable de la sécurité.

«Morsi dégage»!

La présidence a affirmé que les manifestants avaient tenté de casser le portail du palais et demandé à l'opposition de «dénoncer immédiatement ces actes et d'appeler ses partisans à se retirer d'urgence des environs du palais».

Mais le FSN a affirmé dans un communiqué «ne rien avoir à voir avec ces troubles», disant «condamner tous les actes de violence» et appelant la police à faire preuve d'un «maximum de retenue».

Avant les heurts, Mohamed ElBaradei, un dirigeant du FSN, a averti sur Twitter que «la violence et le chaos se poursuivront» si M. Morsi continue à marginaliser l'opposition.

«Liberté», «Morsi est illégitime», «Dégage!» a scandé la foule dès l'après-midi sur les principales artères du Caire, en arborant sous la pluie des banderoles réclamant «justice» pour les victimes des violences (24-29 janvier) qui avaient éclaté à la veille du 2e anniversaire de la révolte contre Hosni Moubarak.

Des milliers d'autres manifestants ont défilé à Alexandrie et Port-Saïd (nord-est). C'est dans cette dernière ville que les heurts le 26 janvier ont été les plus sanglants (40 morts) après la condamnation à mort de partisans du club de football local pour un massacre survenu dans un stade il y a un an.

Pour sortir de la grave crise qui secoue le pays depuis des mois, le FSN réclame la fin de la «monopolisation» du pouvoir par les Frères musulmans dont est issu M. Morsi, avec la mise en place d'un gouvernement de salut national et une révision de la Constitution.

Pourtant lors d'une réunion jeudi, les forces politiques dont le FSN et le bras politique des Frères musulmans ont dénoncé «toute incitation à la violence» et affirmé favoriser le dialogue.

Mais les experts restent sceptiques sur les chances d'un véritable dialogue susceptible de réconcilier un pays profondément divisé.

Les partisans de M. Morsi font valoir qu'il est arrivé au pouvoir démocratiquement. L'opposition l'accuse de privilégier l'idéologie islamiste au détriment de l'intérêt général et d'échouer à faire face à la crise économique.