Le président égyptien Mohamed Morsi a chargé l'armée d'assurer la sécurité jusqu'aux résultats du référendum constitutionnel de samedi, au centre d'une grave crise politique et d'appels à manifester mardi qui font planer la menace de nouvelles violences.

Par ce décret prenant effet lundi, l'armée retrouve aussi le pouvoir d'arrêter des civils, un droit très décrié pendant la période où les militaires ont dirigé le pays, de la chute de Hosni Moubarak en février 2011 à l'élection de M. Morsi en juin 2012.

Le chef de l'État a demandé à l'armée «d'appuyer les services de police et de coopérer avec elle» jusqu'aux résultats du référendum.

«Les officiers et sous-officiers des forces armées participant aux missions de préservation de la sécurité et de protection des installations vitales de l'État (...) ont tous les pouvoirs d'arrestation judiciaire», selon le décret.

Dans un communiqué, l'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International a dénoncé le texte, disant y voir une «faille dangereuse qui pourrait bien se traduire par des procès de civils devant des tribunaux militaires».

A Washington, interrogée sur le fait que le maintien de l'ordre en Egypte était confié à l'armée, la porte-parole du département d'État Victoria Nuland a lancé une claire mise en garde.

«Nous voulons que ceux qui exercent leurs droits à la liberté d'expression le fassent de manière pacifique, mais nous voulons aussi que le gouvernement égyptien et les forces de sécurité respectent cette liberté d'expression et de rassemblement et fassent preuve de retenue», a déclaré Mme Nuland.

«Nous voulons que ceux qui sont chargés de maintenir la sécurité le fassent d'une manière qui respecte les droits de l'homme, qui respecte la liberté d'expression, et qu'ils le fassent avec retenue», a-t-elle insisté.

La manière dont la situation en Egypte va évoluer «doit être élaborée par les Egyptiens», a souligné la porte-parole du département d'État. Mais «nous ne voulons pas voir se répéter les erreurs de l'ère Moubarak», a-t-elle déclaré dans un avertissement au régime du président Morsi.

Le président américain Barack Obama et l'Union européenne ont exprimé leur inquiétude ces derniers jours face à la situation en Egypte, et appelé le pays à poursuivre la démocratisation engagée après la chute de Hosni Moubarak.

Signe supplémentaire d'un climat politique et social tendu, M. Morsi a suspendu des hausses de taxes sur des produits de base (acier, ciment) et de grande consommation (cigarettes, sodas notamment), en attendant la conclusion d'un «dialogue» sur leurs effets pour la population.

Le parti des Frères musulmans, Liberté et Justice (PLJ), dont est issu M. Morsi, avait publié dans la nuit un communiqué rejetant ces hausses susceptibles «d'alourdir le fardeau des plus pauvres».

Après plus de deux semaines d'une crise marquée par de nombreuses manifestations parfois meurtrières, les deux camps appellent à de nouveaux rassemblements rivaux mardi.

Des affrontements entre militants des deux bords mercredi soir près du palais présidentiel au Caire avaient fait sept morts et des centaines de blessés. L'armée a déployé des chars et des soldats pour protéger les abords de la présidence, dans le quartier d'Héliopolis.

Lundi soir, une grosse centaine d'opposants manifestaient dans le calme devant le bâtiment, selon un photographe de l'AFP sur place.

L'armée égyptienne, toujours influente après l'élection de M. Morsi, premier président civil du pays, a appelé samedi au «dialogue», prévenant qu'elle ne permettrait pas que le pays connaisse un «désastre».

M. Morsi a cherché à calmer les critiques en annulant samedi soir un décret du 22 novembre qui lui accordait de quasi pleins pouvoirs en plaçant ses décisions au-dessus de tout contrôle judiciaire.

Mais il a maintenu néanmoins au 15 décembre le référendum sur un projet de Constitution qui provoque la colère de l'opposition libérale et de gauche, ainsi que des milieux laïques et des Eglises chrétiennes.

L'opposition estime que le texte ouvre la voie à une extension de l'application de la loi islamique (charia) et offre peu de garanties pour les libertés.

Une coalition de 23 associations égyptiennes de défense des droits de l'Homme a d'ailleurs souligné lundi que «le projet de Constitution post-révolutionnaire ne comporte aucune référence aux traités et conventions de sauvegarde des droits de l'Homme ratifiés par l'Egypte, ce qui reflète le mépris de la commission constituante envers ces textes».

Le président américain Barack Obama et l'Union européenne ont exprimé leur inquiétude ces derniers jours face à la situation en Egypte, et appelé le pays à poursuivre la démocratisation engagée après la chute de Hosni Moubarak.