Cent ans après le naufrage, le destin tragique du Titanic fascine encore des millions de personnes, historiens amateurs ou scientifiques chevronnés. Le célèbre bateau a emporté beaucoup de ses secrets dans les abysses, alimentant l'imagination de générations de passionnés qui cherchent, encore aujourd'hui, à connaître tous ses mystères.

Chaque fois qu'Alan Hustak donne une conférence sur le Titanic, c'est immanquable: «Il y a toujours des gens qui viennent me dire qu'ils avaient de la famille à bord. Je les écoute poliment, mais j'en doute. Si chacune de ces personnes avait effectivement eu de la famille à bord, le Titanic aurait chaviré avant de prendre la mer!»

100 ans en photos, en vidéo, en articles, en journaux de l'époque et en bande dessinée. À voir!

L'histoire du Titanic se raconte de génération en génération depuis 100 ans et exerce une fascination qui ne se dément pas. Est-ce la nostalgie d'une époque où la confiance en l'avenir était inébranlable? Le drame humain vécu par des passagers dont les descendants vivent toujours de part et d'autre de l'Atlantique? La quantité vertigineuse de documents d'archives qui racontent la brève existence d'un célèbre paquebot?

Le Titanic entré dans la légende, les mythes ont commencé à s'incruster. Certains sont nés dans les premières années qui ont suivi le naufrage - comme celui qui dit qu'une chatte et ses chatons ont flairé «quelque chose» et quitté le navire avant son départ d'Irlande. D'autres sont plus récents, comme la ferveur avec laquelle des admiratrices (surtout!) du film Titanic ont commencé en 1997 à fleurir la tombe d'un certain J. Dawson (voir la bande dessinée).

Depuis qu'il a commencé à fouiller l'histoire du Titanic, il y a 30 ans, Alan Hustak est toujours fasciné par certains détails. «Une chose que les gens ignorent souvent est que le Titanic n'était pas bondé», rappelle-t-il. Le bateau pouvait transporter plus de 3500 passagers, mais seulement 2200 personnes étaient à bord pour ce premier voyage. Et en première classe, les passagers n'étaient pas ceux que ces grands paquebots étaient habitués de voir.

«C'était de nouveaux riches, dit Alan Hustak. Les vrais riches ne voulaient pas être du premier voyage. Ils attendaient plutôt de voir si le paquebot était effectivement fiable et confortable. La moyenne d'âge des passagers était aussi très basse, beaucoup étaient dans la vingtaine.»

Et si... et si... et si...

L'historien français Gérard Piouffre, auteur de nombreux ouvrages sur le paquebot, se passionne pour la construction du navire. Le débat sur la solidité des rivets plantés dans la coque? Il n'y croit pas. Même avec une coque moderne faite de tôles d'acier soudées à haute résistance élastique, le navire aurait coulé, selon lui. «Devant la mer, il faut être très humble. Et devant un iceberg, il faut l'être encore plus», répète l'homme en entrevue.

Il réfute aussi l'hypothèse selon laquelle le Titanic voguait à toute allure pour battre un record de vitesse. «Ce n'était pas possible puisque sa vitesse maximale était inférieure à la vitesse de croisière du Mauritania, qui venait de décrocher le ruban bleu.»

Gérard Piouffre critique plutôt sévèrement le manque de prudence du commandant, qui n'a pas tenu compte de nombreux messages sur la présence d'icebergs. «Le dimanche 14 avril, le jour où il en a heurté un, il a eu huit avertissements, dit M. Piouffre. Il n'en a pas tenu compte, il a continué à naviguer à la même vitesse, soit 21,5 noeuds, et il n'a pas fait doubler la veille, alors qu'il savait qu'il se trouvait dans une zone dangereuse.» L'historien précise qu'il faut s'enlever de l'esprit l'image d'un iceberg qui flottait tout seul: «Il y avait une véritable escadre d'icebergs.»

Au lieu de seulement tirer des fusées de détresse blanches, suggère M. Piouffre, le Titanic aurait dû en lancer de toutes les couleurs pour capter l'attention des navires qui voguaient non loin. «À bord du Californian et des autres bateaux, on n'a rien compris, sinon qu'un paquebot signalait qu'il était pris dans les glaces.» De plus, dit M. Piouffre, selon le règlement maritime, un moyen simple et rustique de signaler sa détresse était d'allumer un feu, par exemple dans un baril, sur la partie avant du bateau. «Ça, c'était vraiment quelque chose de reconnu unanimement.»

Plusieurs autres théories se penchent enfin sur un incendie qui a couvé dans une soute à charbon pendant 10 jours et qui a été éteint la veille du naufrage. Ce genre d'incendie, sans être banal, n'était pas inhabituel à bord des navires puisque le charbon empilé a tendance à s'enflammer. Pour éteindre l'incendie, il fallait déblayer des centaines de tonnes de charbon avant d'atteindre son coeur.

Ce charbon déblayé devait être brûlé, mais le surplus d'énergie produit dans les chaudières n'est pas l'explication de la vitesse élevée du navire. Par contre, selon M. Piouffre, il est possible que l'incendie ait affaibli une cloison étanche qui aurait permis au navire de rester plus longtemps à flot si elle n'avait pas cédé.

«Mais ça, concède-t-il, on ne le saura jamais.»