Les djihadistes jusqu'au-boutistes du groupe État islamique (EI), désormais acculés dans un tout petit secteur au bord de l'Euphrate aux confins orientaux de la Syrie, tentent désespérément mardi de défendre le dernier lambeau de leur «califat».

Les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par le soutien aérien d'une coalition internationale conduite par les États-Unis, ont annoncé avoir pris le contrôle du campement de fortune dans lequel étaient retranchés les djihadistes dans le village de Baghouz.  

Après une nouvelle nuit de violents combats et de bombardements, plusieurs centaines de personnes sont encore sorties de la poche djihadiste.

Cette percée notable sur le terrain rend plus proche la fin d'une offensive lancée en septembre contre le dernier vestige du «califat» autoproclamé en 2014 par l'EI sur de vastes régions à cheval entre la Syrie et l'Irak.  

Mais les FDS n'ont pas été jusqu'à proclamer la victoire.

Certains djihadistes qui se battent désormais dans une ultime bande au bord de l'Euphrate ne semblent pas disposés à se rendre, et un haut responsable de l'EI a lancé un message appelant à des attaques contre les FDS.

«Les FDS contrôlent la zone de campement à Baghouz», composée essentiellement de tentes de fortune, de voitures abandonnées et de tunnels sous-terrains, a affirmé sur Twitter le porte-parole des FDS, Mustafa Bali.

«Il ne s'agit pas d'une annonce de victoire, mais d'un progrès significatif dans la bataille contre Daech», a-t-il néanmoins nuancé en utilisant un acronyme en arabe de l'EI.

«Des centaines de combattants de Daech blessés ou malades ont été capturés» et «ont été évacués vers des hôpitaux militaires», a ajouté M. Bali.  

«Combat désespéré»

Encerclés depuis trois axes, les djihadistes ne peuvent pas fuir par le fleuve, le forces du régime syrien étant déployées de l'autre côté, sur la rive orientale.

Sous escorte des FDS, cinq camions-remorques grimpent mardi une pente menant au sommet d'une colline près du réduit djihadiste.  

Ce sont des évacués. On ne voit pas les passagers, mais on peut entendre des pleurs d'enfants. «Entre 1000 et 1500 personnes, des centaines de combattants et leur familles, se sont rendus entre hier soir et ce matin», a indiqué Jiaker Amed, un autre porte-parole.

«Les combats ne sont pas terminés, il y a des affrontements dans différents secteurs», a-t-il ajouté.

Les FDS ont également fait état mardi de l'arrestation de djihadistes soupçonnés d'être impliqués dans un attentat à Minbej ayant fait le 16 janvier 19 morts dont quatre Américains.

«L'ennemi tente de mener un dernier combat désespéré et utilise les civils comme boucliers» alors que des djihadistes «se déguisent en femmes pour tenter de s'échapper ou de faire détoner leurs vestes» parmi les personnes évacuées, a affirmé mardi le porte-parole de la coalition internationale antidjihadiste, Sean Ryan.  

Lancée en septembre, l'offensive contre le dernier réduit djihadiste a été ralentie par la présence de milliers de civils.

Depuis janvier, quelque 67 000 personnes ont quitté l'enclave, dont 5000 djihadistes arrêtés après leur reddition, selon les FDS.  

Pas la «fin»

La plupart des évacués sont transférés vers le camp d'Al-Hol (nord-est), où plus de 70 000 personnes, dont 41 000 enfants, sont entassées dans des conditions particulièrement difficiles,  selon l'ONG Comité de secours international (IRC).

Depuis décembre, 123 personnes, dont une grande majorité d'enfants de moins de cinq ans, sont décédées en route vers le camp ou peu de temps après leur arrivée, a ajouté l'IRC.

Après une montée en puissance fulgurante en 2014, l'EI avait proclamé un «califat» sur un territoire grand comme le Royaume-Uni, y instaurant sa propre administration et collectant des impôts auprès de millions d'habitants vivant sous son joug.

Une perte totale de Baghouz signerait la fin territoriale de son «califat», après la défaite de l'EI en 2017 en Irak.

Mais l'organisation continue de mener des attaques meurtrières. Et lundi, un porte-parole du groupe djihadiste a appelé ses partisans à se venger des combattants kurdes en Syrie, dans un message sur Instagram.

Pour Tore Hamming, spécialiste du djihadisme à l'European University Institute, «ce que nous appelons la "fin" n'est pas la "fin" pour eux. C'est le début de quelque chose de nouveau».  

A Damas, le président Bachar al-Assad a eu mardi des entretiens avec le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, sur la lutte contre le «terrorisme».  

«Avec le soutien de la Russie, la lutte contre le terrorisme a enregistré un succès remarquable», a déclaré le ministre russe, selon un communiqué du ministère de la Défense à Moscou.

Soutenu par la Russie et l'Iran, le régime Assad a enchaîné les victoires contre rebelles et djihadistes et repris près des deux tiers du territoire.

La guerre en Syrie a fait plus de 370 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés depuis 2011.