Le groupe État islamique (EI) a revendiqué son premier attentat suicide en Somalie, une attaque qui, selon une déclaration mercredi de la police, a fait au moins cinq morts dans la ville côtière de Bossasso (nord).

L'attaque s'est produite mardi soir dans la région semi-autonome du Puntland, dans le nord du pays, où est implanté un groupe d'anciens shebab, les islamistes somaliens affiliés à Al-Qaïda, ayant fait défection au profit de l'EI.

Mercredi, le groupe EI a communiqué un bilan de sept tués et 10 blessés, selon le SITE Intelligence Group, spécialisé dans la surveillance des sites internet islamistes.

L'EI avait revendiqué mardi soir par le biais de son agence de propagande Amaq cette «opération martyre avec usage d'une veste d'explosifs».

L'auteur de l'attentat a actionné sa veste explosive à un poste de contrôle de Bossasso, cité portuaire du golfe d'Aden et plus grande ville du Puntland.

«Les forces de sécurité ont arrêté le suspect lorsqu'il a approché, mais il s'est fait exploser, tuant cinq personnes. Un des membres des forces de sécurité et quatre civils ont été tués dans l'explosion», a déclaré à l'AFP Mohamed Dahir Adan, un policier local.

Selon plusieurs témoins, l'explosion a eu lieu près d'un hôtel régulièrement utilisé par des responsables locaux comme lieu de réunion. «Je pense que l'auteur de l'attaque tentait de viser l'hôtel, mais il a été arrêté au poste de contrôle près de l'hôtel et a décidé de se faire sauter», a déclaré à l'AFP Awke Mohamed, un des témoins.

Le Puntland a souvent été le théâtre d'attaques menées par les islamistes shebab. Mais c'est également dans cette région qu'est basé un groupe de combattants ayant quitté les shebab au profit de l'organisation État islamique.

Ce groupe, dont la force de frappe reste pour l'instant très réduite par rapport aux shebab, est dirigé par le Somalien Abdulqadir Mumin. Placé en août 2016 sur la liste des terroristes internationaux par le département d'État américain, cet ex-shebab avait rejoint l'EI en octobre 2015.

«Prêcheur vindicatif»

Le groupe de Mumin s'était d'abord distingué par des vidéos de propagande. Sa première action d'envergure avait été la prise en octobre 2016 de la ville côtière de Qandala, dont il a été chassé en décembre par les forces du Puntland.

Début février, le groupe EI avait revendiqué une attaque armée - pas un attentat suicide - contre un hôtel de Bossasso, lors de laquelle quatre gardes de sécurité et deux assaillants avaient été tués.

Selon les observateurs, le groupe de Mumin est majoritairement composé de membres de son clan Majerteen, et son existence s'inscrit aussi dans un jeu complexe de rivalités claniques propres au Puntland. En novembre, l'International Crisis Group (ICG) estimait à 200 le nombre de ses membres.

«Il y a clairement une menace EI au Puntland, et le groupe de Mumin intensifie ses activités et attaques», a commenté auprès de l'AFP Rashid Abdi, spécialiste de la Corne de l'Afrique pour l'ICG. «Mais il ne faut pas non plus exagérer l'influence de l'EI dans cette région. Les shebab restent une menace bien plus importante que l'EI au Puntland».

M. Abdi a par ailleurs appelé à la «prudence avec les revendications de l'EI, car ils ont tendance à tout revendiquer».

Né au Puntland à une date indéterminée, Abdulqadir Mumin a vécu en Suède avant de s'installer en Angleterre où il a acquis la nationalité britannique. À Londres et Leicester, il s'est forgé au début des années 2000 une réputation de prêcheur enflammé et vindicatif.

Surveillé par les renseignements britanniques, Mumin aurait alors côtoyé Mohamed Emwazi, un des bourreaux de l'EI plus connu sous le surnom de «Jihadi John», ainsi que Michael Adebolajo, un des deux meurtriers du soldat Lee Rigby, dans les rues de Londres en mai 2013.

Mumin s'est ensuite rendu en Somalie pour rejoindre en 2010 les rangs des shebab, dont il est rapidement devenu un propagandiste en vue. Il a pris en 2014 la tête de la faction du Puntland, sans expérience du champ de bataille, avant d'annoncer sa défection.