Les combats à Mossoul d'où les forces gouvernementales veulent déloger les djihadistes ont forcé récemment quelque 15 000 habitants à fuir chaque jour la deuxième ville d'Irak, un exode qui met sous pression les services humanitaires et laisse de nombreux déplacés dans le dénuement.

Dans le camp de déplacés de Hammam al-Alil, au sud de Mossoul, des centaines de civils hagards débarquent à longueur de journée des autocars. La population du camp a atteint environ 30 000 personnes.

À leur arrivée, ils sont contrôlés par les forces de sécurité. Certains attendent de trouver un transport pour continuer leur route vers d'autres camps ou aller rejoindre des proches dans la partie Est «libérée» de Mossoul ou le voisinage.

Souvent, les plus nécessiteux restent dans le camp de Hammam al-Alil où ils s'abritent dans des tentes avec des proches ou des voisins. Trois ou quatre familles sont parfois entassées dans une même tente de 10 mètres sur 4.

«Il y a quatre familles dans cette tente, une trentaine de personnes», dit Marwane Nayef, un homme originaire de Mossoul-Ouest âgé de 25 ans.

«Quand il n'y a pas de place pour tout le monde, les hommes vont parfois dormir dans la tente d'un proche. Là, je dors dans la tente de mon frère», explique-t-il.

Très longues queues

Quelques ruelles plus loin, Chahra Hazem porte dans les bras son bébé de 16 mois, hydrocéphale.

«Il a besoin d'être opéré, il a de l'eau dans la tête, mais on ne trouve pas d'aide», déplore-t-elle.

D'après l'ONU, 400 000 personnes au moins ont été déplacées depuis le début de la vaste offensive lancée le 17 octobre par les forces gouvernementales pour chasser le groupe djihadiste État islamique (EI) de son fief de Mossoul.

La majorité de ceux ayant fui l'ont fait au cours de la phase actuelle de l'opération, lancée le 19 février dans la partie ouest de la ville.

Dans le camp de Hammam al-Alil, de très longues queues se forment vers midi devant une tente où l'on distribue à manger, une ration de riz avec une sauce. Beaucoup de ceux qui sont là sont des enfants, pieds nus, qui dévorent leur repas sur place, à même le sol.

D'autres cherchent à manger hors du camp, ou dans un marché improvisé juste de l'autre côté de la clôture.

Pour pouvoir s'acheter des gaufrettes au marché, un garçon vend des matelas que sa famille a reçus de l'ONU.

Une femme, sa fille dans les bras, raconte à des voisins de Mossoul qu'elle a retrouvés dans le camp, comment sa famille a survécu à un raid aérien qui a détruit leur maison.

«Daech (EI) a installé une mitrailleuse devant notre porte, ce qui fait que les forces de sécurité ont riposté (...) Heureusement, nous étions tous au rez-de-chaussée», explique la femme.

«Certains de nos voisins ont essayé de fuir hier, les forces de sécurité leur ont tiré dessus car elles pensaient qu'ils étaient de Daech, ça arrive souvent», dit-elle, en utilisant un acronyme en arabe de l'EI.

À Mossoul-Ouest, la résistance de l'EI est vive dans et autour de la Vieille ville où les civils sont plus exposés.

Manque de fonds

Les forces de sécurité ont évacué autant de civils qu'elles ont pu mais, selon l'ONU, 400 000 habitants demeurent pris au piège dans la Vieille ville.

«Les gens nous racontent comment des maisons entières ont été détruites, c'est ainsi que nous nous faisons une idée de l'ampleur considérable des destructions», explique Melany Markham, du Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR).

Alors que les combats et bombardements ont coûté la vie à des centaines de civils, l'armée irakienne a cependant exhorté mercredi les habitants des quartiers aux mains des djihadistes à rester chez eux.

Mme Markham se dit confiante quant à la capacité des humanitaires à répondre aux besoins de la population si l'exode devait s'amplifier. Mais elle souligne que cela dépend aussi des fonds disponibles.

Or, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a déploré la semaine dernière la faiblesse des ressources pour aider les centaines de milliers d'habitants de Mossoul affectés par la bataille.