Les habitants de Mossoul « sont retenus contre leur gré » dans la ville par les djihadistes du groupe État islamique qui s'en servent comme « boucliers humains » face à l'offensive en cours des forces irakiennes, a déclaré mardi un porte-parole du Pentagone.

« Cela fait plusieurs semaines » que les civils sont retenus dans la ville, « et nous n'avons pas vu de changements » depuis le début de l'offensive lundi, a indiqué le capitaine de vaisseau Jeff Davis.

« Il n'y a pas d'exode massif de civils, c'est parce qu'ils sont retenus par la force », a-t-il souligné.

Obama prédit une bataille «difficile» 

Le président américain Barack Obama a prédit mardi une bataille « difficile » pour reprendre la ville irakienne de Mossoul à l'EI, qui a perdu du terrain au deuxième jour de cette offensive d'une ampleur sans précédent.

« Mossoul sera une bataille difficile. Il y aura des avancées et des revers », a prévenu M. Obama, se disant cependant « convaincu » que l'EI serait battu dans cette ville « et que cela marquera un nouveau pas vers sa destruction totale ».

Les États-Unis dirigent la coalition internationale qui épaule les forces irakiennes dans leur offensive lancée dans la nuit de dimanche à lundi pour reprendre Mossoul, aux mains de l'EI depuis juin 2014.

Dans une vidéo diffusée par son agence de propagande, l'EI a lui promis la « défaite » aux Américains en Irak.

« Quant à toi l'Amérique (...) nous jurons par Dieu que nous te vaincrons en Irak et te ferons sortir défaite et humiliée de ce pays », a dit sur la vidéo un homme armé patrouillant avec d'autres combattants dans les rues d'une ville présentée comme Mossoul.

Les forces irakiennes progressent

Avançant en convois de véhicules blindés à travers les plaines arides entourant la deuxième ville d'Irak et appuyées par des bombardements aériens de la coalition internationale antidjihadistes menée par les États-Unis, les forces irakiennes ont pénétré dans des villages où l'EI tente de résister, a constaté un journaliste de l'AFP.

De grandes colonnes de fumée s'élèvent dans le ciel depuis des puits de pétrole en feu, près de la base arrière des forces irakiennes à Qayyarah, à environ 70 km au sud de Mossoul. Le ciel est plombé de gris sur des kilomètres.

Un soldat irakien posté à un des nombreux points de contrôle a expliqué que les djihadistes avaient mis le feu aux puits de pétrole pour tenter d'empêcher la coalition de mener des raids aériens et de leur reprendre Qayyarah. Mais la ville est tombée aux mains des forces irakiennes le 25 août et les incendies n'ont cessé depuis.

Les forces loyales au gouvernement de Bagdad avancent depuis Qayyarah, ainsi que depuis Khazir à l'est, vers Mossoul, dernier grand bastion de l'EI en Irak «De nombreux villages ont été libérés», a indiqué à l'AFP Sabah al-Numan, le porte-parole des services de contre-terrorisme irakien, une des unités d'élite mobilisées.

«Nous avons atteint nos premiers objectifs et même davantage, mais nous restons prudents et nous nous en tenons au plan», a-t-il ajouté.

«Nos forces utilisent une large palette de moyens à leur disposition contre les terroristes et nous avons encore plus de surprises pour eux quand nous atteindrons la ville même», s'est targué ce porte-parole.

Avant d'atteindre les abords directs de Mossoul où seraient retranchés entre 3000 et 4500 djihadistes lourdement armés, les forces irakiennes doivent traverser des territoires contrôlés par l'EI autour de la cité.

«Comme prévu»

L'opération a bien commencé et le «premier jour s'est déroulé comme prévu», a estimé de son côté le Pentagone.

Cinquante-deux cibles ont été détruites par les avions de la coalition au premier jour de l'offensive, selon un bilan donné par celle-ci.

Située dans le nord de l'Irak et peuplée majoritairement de musulmans sunnites, Mossoul était tombée aux mains de l'EI en juin 2014 et le leader de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, avait alors proclamé un «califat» sur les territoires conquis de manière éclair par les djihadistes en Irak et en Syrie.

Crainte d'un exode massif

La bataille de Mossoul, qui pourrait durer des semaines et promet d'être particulièrement âpre, fait craindre un exode massif de population.

Quelque 1,5 million de personnes vivent encore à Mossoul et pourraient se retrouver piégées par les violents combats ou être utilisées comme boucliers humains par les djihadistes comme ils l'ont fait dans d'autres villes qu'ils ont récemment perdues en Irak ces derniers mois.

Plusieurs organisations humanitaires ont réclamé l'instauration de couloirs sécurisés pour que les civils puissent fuir les combats, d'autant que la ville pourrait être soumise à un siège par les forces irakiennes.

La coordinatrice humanitaire de l'ONU pour l'Irak, Lise Grande, a déclaré que les gens n'étaient pour l'instant pas très nombreux à fuir Mossoul, mais a fait état de possibles «importants mouvements de populations (...) d'ici cinq à six jours».

«Préparer des refuges»

Environ 200 000 personnes pourraient être déplacées «dans les deux premières semaines», un chiffre susceptible d'augmenter de façon significative au fur et à mesure de l'avancée de l'offensive, selon l'ONU.

«Les agences humanitaires se concentrent pour préparer des refuges dans trois régions prioritaires au sud de Mossoul où seront hébergés les premiers déplacés», a indiqué l'ONU.

Pour l'instant, les camps existants ne peuvent accueillir que quelques dizaines de milliers de déplacés alors qu'ils pourraient être des centaines de milliers.

Amnistie internationale a par ailleurs appelé mardi Bagdad à s'assurer que les forces de sécurité irakiennes et les nombreuses milices paramilitaires ne commettent pas d'abus sur les civils.

Selon l'ONG, les forces de sécurité et les milices ont détenu arbitrairement, torturé et exécuté des «milliers» de civils fuyant les zones tenues par l'EI dans le passé.

La perte de Mossoul serait un revers très douloureux pour l'EI qui y avait proclamé un «califat» sur les territoires conquis de manière éclair en Irak et en Syrie.

Le groupe a perdu beaucoup de terrain ces derniers mois dans les deux pays, mais continue notamment de contrôler Raqqa, dans le nord de la Syrie, et de mener des attaques suicides.

Une perte de Mossoul pourrait aussi conduire à un afflux vers l'Europe de combattants djihadistes «prêts à en découdre», a mis en garde mardi le commissaire européen pour la sécurité, Julian King, dans un entretien au quotidien allemand Die Welt.

PHOTO THAIER AL-SUDANI, REUTERS

Avançant en convois de véhicules blindés à travers les plaines arides entourant la deuxième ville d'Irak et appuyées par des bombardements aériens de la coalition internationale antidjihadistes menée par les États-Unis, les forces irakiennes ont pénétré dans des villages où l'EI tente de résister, a constaté un journaliste de l'AFP.