Des combattants du groupe dihadiste État islamique (EI) ont enlevé vendredi environ 2000 civils pour les utiliser comme «boucliers humains», dans leur fuite de la ville de Minbej dans le nord de la Syrie, selon une ONG et une alliance antidjihadistes.

Cette alliance de combattants arabes et kurdes regroupés au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS) a pris le 6 août Minbej aux djihadistes dont un petit nombre continue de résister dans cette cité de la province d'Alep.

«En se retirant d'al-Sireb, le dernier quartier où ils étaient retranchés à Minbej, les djihadistes ont enlevé quelque 2000 civils, dont des femmes et des enfants», a indiqué à l'AFP un porte-parole militaire des FDS Cherfane Darwich.

«Ils ont utilisé ces civils comme boucliers humains lors de leur retrait, ce qui nous a empêchés de les prendre pour cible», a-t-il ajouté.

Les djihadistes ont fui avec leurs otages vers Jarablous, un fief de l'EI situé à une quarantaine de km au nord de Minbej, près de la frontière turque, selon les FDS.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui s'appuie sur un vaste réseau de sources et de militants dans le pays ravagé par la guerre, a confirmé l'enlèvement.

«L'EI a enlevé quelque 2000 civils qui ont été emmenés dans 500 voitures en direction de Jarablous», a dit l'ONG. Les voitures utilisées appartiennent à des civils habitant al-Sireb où se cachaient une centaine de djihadistes.

Voitures civiles

Le porte-parole militaire des FDS a précisé que celles-ci avaient «réussi à sauver 2500 habitants qui étaient détenus par l'EI» et continuaient de ratisser le quartier al-Sireb à la recherche des derniers djihadistes.

Appuyées par les avions de la coalition internationale dirigée par les États-Unis, les FDS avaient lancé le 31 mai leur offensive pour reprendre Minbej, qui servait à l'EI de carrefour vital d'approvisionnement à partir de la frontière turque vers ses zones en Syrie, dont Raqa, plus à l'est.

Des dizaines de milliers d'habitants avaient réussi à fuir Minbej, mais des dizaines de milliers d'autres avaient été pris au piège des combats.

L'utilisation par les djihadistes d'habitants comme boucliers humains avait retardé la prise de la ville, les FDS disant vouloir éviter des victimes civiles.

Selon l'OSDH, depuis le début de l'offensive, 437 civils ont été tués dont 105 enfants dans Minbej et sa région. Parmi les civils, 203 ont péri dans les frappes de la coalition. Durant la même période, 299 membres des FDS ont péri, ainsi que 1019 djihadistes.

Dans un communiqué l'Union européenne a dénoncé l'enlèvement des civils, «principales victimes du conflit», en soulignant que l'EI «continue de constituer une menace pour les peuples de Syrie, d'Irak, de la région ainsi que d'Europe et au-delà».

La prise de Minbej a constitué une grande victoire pour les FDS, l'une des principales forces antidjihadistes en Syrie, où une guerre complexe a fait depuis mars 2011 plus de 290 000 morts et jeté sur les routes des millions de personnes.

20 morts dans la province d'Alep

Quand leurs adversaires tentent de prendre les villes qu'ils contrôlent, les combattants de l'EI utilisent les civils comme boucliers humains, soit en se cachant parmi eux pour éviter les raids aériens et les bombardements, soit en les prenant en otage.

Le dernier enlèvement en date remonte à avril, quand l'EI a enlevé plus de 300 ouvriers d'une cimenterie à Dmeir, au nord-est de Damas. Quatre jours plus tard, le groupe en a libéré la majorité après un accord avec des responsables de la localité. Il en avait exécuté quatre.

L'EI, responsable d'atrocités -enlèvement, viols, décapitations- continue de contrôler de vastes régions du nord syrien.

Sur un autre front de la guerre dans la province d'Alep, 20 civils dont cinq enfants ont été tués dans des raids du régime syrien et de son allié russe sur trois localités rebelles proches de la ville éponyme, selon l'OSDH.

Dans la ville même d'Alep, la baisse de l'intensité des frappes a permis aux habitants des quartiers rebelles de se rendre en grand nombre dans les marchés pour faire des provisions après des semaines de pénurie, selon un correspondant de l'AFP sur place.

Alors que plusieurs cliniques et hôpitaux ont été visés par les bombardements dans ce conflit, un raid aérien a touché jeudi soir un hôpital anciennement utilisé comme maternité à Kafr Hamra, une ville au nord-ouest d'Alep vidée de ses habitants, faisant deux morts -une infirmière et un secouriste-, selon l'OSDH. Cet hôpital est uniquement utilisé actuellement par les rebelles.

Déclenché par la répression de manifestations pacifiques prodémocratie, le conflit en Syrie s'est complexifié avec l'intervention de pays étrangers et la montée en puissance de djihadistes.