La scène s'est passée il y a un an, à Palmyre, ville syrienne qui était alors contrôlée par le groupe État islamique (EI).

Un juge masqué a prononcé une peine de mort contre deux jeunes hommes accusés d'homosexualité, Hawas Mallah et Mohamed Salameh, dans une sentence rendue en pleine rue, devant un groupe de badauds.

Le juge est allé jusqu'à demander aux deux condamnés s'ils étaient satisfaits du jugement, qui allait leur permettre de se purifier de leurs péchés. Puis, d'autres hommes masqués les ont empoignés et conduits sur le toit d'un hôtel voisin avant de les précipiter, tête en bas, du haut de l'immeuble.

Déjà, à cette époque, l'EI n'en était pas à sa première exécution de présumés homosexuels. De telles séances de justice expéditive, médiatisées par l'organisation extrémiste elle-même à coups de photos et de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, ont été documentées en Syrie, en Irak et en Libye, dans les territoires contrôlés par l'EI.

L'une des premières peines du genre à avoir été répertoriées s'est déroulée en février 2015, à Raqqa, le fief syrien de l'EI. Un homme attaché à une chaise aurait alors survécu à une chute de sept étages, avant d'être lapidé par la foule. Selon l'organisme OutRight Action International, dont le siège est à New York, le groupe État islamique aurait exécuté au moins 36 hommes sous prétexte qu'ils se sont livrés à des actes homosexuels.

En décembre 2014, le groupe salafiste a publié son Code pénal qui prévoyait punir les homosexuels en les condamnant à l'exil ou à des centaines de coups de fouet.

Mais dans les faits, sur 25 exécutions répertoriées par l'Observatoire syrien pour les droits de l'homme, 6 victimes ont été lapidées, 3 ont été abattues et 16 ont été précipitées dans le vide.

UNE RÉACTION À L'OCCIDENT

Selon le politologue français Antoine Sfeir, spécialiste du Moyen-Orient, ces exécutions largement publicisées par l'EI constituent une « réponse au libéralisme occidental ».

C'est ce que laisse entendre DABIQ, le magazine de propagande de l'EI : « Cette punition vise à protéger les musulmans du chemin corrompu emprunté par l'Occident. »

Le groupe sunnite extrémiste justifie cette punition extrême en s'appuyant non pas tant sur le Coran comme sur des « hadiths », ou des paroles attribuées au prophète Mahomet, qui aurait enjoint ses fidèles à pousser les membres du « peuple de Lot » dans le vide et à les frapper à coups de pierre. Ces hadiths sont toutefois largement contestés au sein même de la communauté musulmane. Tandis que l'Université Al-Azhar, plus importante institution de l'islam sunnite située au Caire, en Égypte, rejette l'imposition de la peine capitale aux homosexuels.

En Syrie, le groupe EI n'a pas le monopole de la persécution des homosexuels, même s'il la pousse à une violence sans précédent.

Dans un discours poignant prononcé en août 2015 devant le Conseil de sécurité de l'ONU, un homosexuel syrien réfugié aux États-Unis, Subhi Nahas, a raconté comment le régime de Bachar al-Assad, qui punissait les homosexuels par des peines pouvant atteindre trois ans de prison, avait tenté d'imputer le mouvement de contestation aux gais et aux médias qu'il les accusait de contrôler. Son message, en gros, c'était que les dissidents sont gais...

Par la suite, Subhi Nahas a été témoin d'exactions de la part du Front al-Nosra, un important groupe djihadiste. Quand le groupe EI a lancé son offensive contre sa ville, Idlib, dans le nord de la Syrie, Subhi Nahas a eu peur d'être dénoncé par son propre père et il a fui vers la Turquie, puis vers les États-Unis.

Le régime de terreur instauré par l'EI a atteint un niveau tel que de nombreux homosexuels sont allés jusqu'à cacher leur orientation sexuelle et s'enrôler au sein de l'organisation djihadiste, pour se protéger eux-mêmes et leurs familles, a révélé Subhi Nahas.

Règle générale, l'islam réprouve l'homosexualité, et dans beaucoup de pays musulmans, les hommes gais s'exposent à des sanctions pénales, notamment des peines de prison. La peine de mort reste une sanction exceptionnelle, et l'islam compte même un imam ouvertement homosexuel - Daayiee Abdullah, qui vit à Washington.

Enfin, l'islam sunnite n'a pas non plus le monopole de la répression des homosexuels. Ainsi, la justice iranienne a fait exécuter, par pendaison, 400 homosexuels, dénonce Amnistie internationale.

Image tirée de Facebook

Vivant à Washington, l'imam Daayiee Abdullah s'affiche ouvertement comme homosexuel. 

photo Mike Segar, archives reuters

Subhi Nahas, qui a fui la Syrie, s'est adressé au Conseil de sécurité de l’ONU en août 2015.