Le scénario catastrophe d'une «bombe sale» entre les mains de djihadistes de l'État islamique (EI) va peser sur les travaux d'un sommet international sur la sûreté nucléaire organisé en fin de semaine à Washington par le président Barack Obama.

Le locataire de la Maison-Blanche, qui quittera le pouvoir en janvier, avait lui-même lancé en avril 2010 ce rendez-vous d'une cinquantaine de pays réunis dans la capitale fédérale américaine.

Dans un discours resté fameux donné à Prague en avril 2009 sur «un monde sans armes nucléaires», M. Obama avertissait que le risque d'une «attaque nucléaire» représentait «la menace la plus immédiate et la plus extrême pour la sécurité mondiale».

Le contexte est d'autant plus dramatique pour la quatrième édition de ce sommet qui se tient jeudi et vendredi, dix jours après les attentats de Bruxelles revendiqués par le groupe État islamique (32 morts, 340 blessés) et dans le sillage d'informations sur un hypothétique attentat «terroriste nucléaire».

Ainsi, des médias belges et internationaux rapportaient ces derniers jours que la cellule islamiste bruxelloise des attaques du 22 mars avait prévu de fabriquer une «bombe sale» radioactive, à la suite d'une surveillance par vidéo d'un «expert nucléaire» belge mise sur pied par deux des kamikazes, les frères Bakraoui.

Et juste après le carnage dans la capitale européenne, le patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Yukiya Amano prévenait dans un entretien à l'AFP: «Le terrorisme se répand et la possibilité que des matériaux nucléaires soient employés ne peut pas être exclue».

Cyberattaque d'une centrale nucléaire

Le coordinateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme Gilles de Kerchove avertissait aussi samedi dans le journal La Libre Belgique qu'une éventuelle cyberattaque, une prise de contrôle par internet, «d'un centre de gestion d'une centrale nucléaire» par des mouvements djihadistes pourrait survenir «avant cinq ans».

Signe de l'inquiétude de Washington, la Maison-Blanche a proposé à la Belgique «l'assistance» des États-Unis «pour protéger les infrastructures nucléaires» du pays, qui a d'ailleurs déployé des militaires autour de ses centrales.

Bien que le sommet sur la sûreté nucléaire ne soit pas exclusivement consacré au risque terroriste, des pays de la coalition militaire internationale anti-djihadiste se réuniront en marge de la conférence plénière.

Car, comme l'a confié le Pentagone mardi, les États-Unis s'«inquiètent que des armes de destruction massive puissent tomber dans les mains de terroristes». Et la Maison-Blanche a reconnu que «des organisations terroristes ambitionnaient depuis des années d'acquérir des matériaux nucléaires».

Si très peu d'experts pensent que l'EI puisse un jour se doter d'une arme atomique, beaucoup craignent qu'il ne s'empare d'uranium ou de plutonium pour tenter d'assembler une «bombe sale». Un tel engin ne provoquerait pas d'explosion nucléaire, mais la diffusion de radioactivité aurait de terribles conséquences sanitaires, psychologiques et économiques.

D'après des données de l'AIEA, quelque 2800 incidents relatifs à des trafics, possessions illégales ou pertes de matériaux nucléaires ont été répertoriés dans le monde ces 20 dernières années. Et selon des experts américains en non-prolifération, le stock mondial d'uranium hautement enrichi s'élevait à la fin 2014 à 1370 tonnes.

L'essentiel se trouve en Russie.

Rencontre Obama-Hollande

Le président Obama doit accueillir une cinquantaine de dignitaires étrangers, parmi lesquels ses homologues français François Hollande, chinois Xi Jinping, sud-coréenne Park Geun-hye, turc Recep Tayyip Erdogan, ukrainien Petro Porochenko, ainsi que les premiers ministres japonais Shinzo Abe et indien Narendra Modi.

L'entretien Obama-Hollande portera sur la Syrie et la lutte contre le terrorisme, a indiqué Paris en soulignant que les deux dirigeants «se rencontrent chaque fois qu'il le faut, ce qui ne veut pas dire qu'ils sont d'accord sur tout».

En revanche, le président russe Vladimir Poutine, à la tête d'une puissance militaire nucléaire majeure, et les dirigeants d'Iran et de Corée du Nord, aux programmes nucléaires controversés, seront absents.

«Les dirigeants de la planète font face à un choix très clair: vont-ils s'engager à améliorer la sûreté nucléaire ou relâcher leurs efforts?», s'interrogeait cette semaine le centre d'étude Belfer Center. Car «leur réponse déterminera le niveau de risque que des groupes terroristes comme l'EI mettent la main sur des matériaux nucléaires pour faire une bombe rudimentaire».