Les forces irakiennes traquaient mercredi les derniers djihadistes qui défendent la ville de Ramadi, dont la perte représenterait un nouveau revers pour le groupe État islamique (EI), placé sur la défensive en Irak comme en Syrie.

Au lendemain de leur entrée dans le centre de Ramadi, les forces antiterroristes irakiennes progressaient lentement en direction du complexe administratif du chef-lieu de la vaste province majoritairement sunnite d'Al-Anbar.

«Les forces sont maintenant sur le point d'entrer dans la zone de Hoz où est installé le siège du gouvernement», a indiqué à l'AFP un général de brigade.

La prise de ce bâtiment marquerait une étape clé dans la reconquête totale de cette ville conquise en mai par l'EI. Le porte-parole des forces antiterroristes a prédit mardi qu'elle serait achevée en trois jours.

Appuyés par les raids de la coalition internationale conduite par les États-Unis, les soldats circulent avec prudence dans la ville déserte, entrant avec précaution dans les maisons à la recherche d'engins piégés laissés par les djihadistes.

Ils continuent de «purger» les quartiers résidentiels où une grande quantité d'explosifs et de munitions ont été abandonnés par les combattants de l'EI.

La semaine dernière, des responsables militaires estimaient qu'il ne restait pas plus de 300 combattants de l'EI dans la ville située à une centaine de kilomètres à l'ouest de Bagdad.

«La chute de Ramadi est inévitable (...) mais la bataille va être difficile», a estimé mardi le porte-parole de la coalition, le colonel Steve Warren.

Selon lui, des milliers de civils se trouvaient toujours dans la ville, une partie d'entre eux étant utilisée comme bouclier humain par l'organisation ultra-radicale.

Devant l'avancée des troupes irakiennes, certains djihadistes tentent de fuir la ville par des tunnels, ont indiqué des responsables.

«Des dizaines de combattants de l'EI se sont retirés du centre-ville en direction de Sufiya et Sichariyah», des quartiers de l'est de Ramadi, le long de la vallée de l'Euphrate, a précisé Ibrahim al-Fahdawi, chef de la sécurité dans le secteur de Khaldiya.

Avec la perte de Ramadi, la ville de Fallouja, un autre fief de l'EI, se retrouverait de plus en plus isolée, ce qui pourrait affecter les approvisionnements du «califat» autoproclamé.

«Guerre d'usure»

En raison des opérations successives menées par les forces irakiennes et leurs alliés, la part du territoire irakien contrôlé par l'EI a chuté de 40% l'an dernier à 17%, a affirmé la semaine dernière le ministre de la Défense Khaled Al-Obaidi.

L'entrée dans le centre de Ramadi est le dernier fait d'armes des forces irakiennes qui tentent depuis des mois de reprendre le contrôle de la vaste province sunnite d'Al-Anbar.

Elles avaient réussi il y a une quinzaine de jours à reprendre le quartier de Tamim, dans le sud-ouest de Ramadi, ainsi que des ponts et des routes stratégiques de la province.

«Cela a été une épuisante guerre d'usure. Je pense que (les djihadistes de) l'EI sont à bout. La ville est encerclée depuis un moment», souligne David Witty, un colonel des forces spéciales américaines à la retraite et ancien conseiller pour les forces antiterroristes irakiennes.

Des voix en Irak et à l'étranger ont critiqué la lenteur des opérations pour reprendre Ramadi, appelant notamment à donner un plus grand rôle aux Unités de mobilisation populaire, une coalition de milices principalement chiites, qui ont démontré par le passé leur efficacité dans la lutte contre l'EI.

Mais le gouvernement a globalement maintenu sa stratégie et formé de nouvelles recrues originaires d'Al-Anbar et donc majoritairement sunnites.

La reprise de Ramadi est susceptible de redorer le blason de l'armée fédérale, qui avait été fortement critiquée pour son humiliante déroute face à l'EI. «Elle pourrait avoir une forte valeur symbolique et renforcer la résistance locale contre l'EI», estime David Witty.

L'objectif ultime de Bagdad est la reprise totale des territoires perdus en 2014, en particulier la deuxième ville du pays, Mossoul.

Les places fortes gagnées ou perdues par l'EI en Irak et en Syrie

IRAK

- RAMADI: Ville sunnite à 100 km à l'ouest de Bagdad, Ramadi est le chef-lieu de la grande province d'Al-Anbar, frontalière de la Syrie. Elle avait été conquise le 17 mai par l'EI après une vaste offensive et une retraite chaotique des forces irakiennes. Celles-ci ont repris le 8 décembre un quartier-clé avant d'entrer le 22 dans le centre-ville sans rencontrer une forte résistance. Elles bénéficient du soutien de frappes aériennes de la coalition conduite par les États-Unis.

- TIKRIT: À 160 km au nord de Bagdad, Tikrit, à majorité sunnite, a été reprise fin mars par les forces gouvernementales après leur plus grande opération contre l'EI, qui contrôlait la ville depuis près de 10 mois. La bataille de Tikrit, bastion de l'ex-dirigeant Saddam Hussein, a été facilitée par le fait qu'une grande partie de ses 200 000 habitants avaient quitté la ville.

- SINJAR: Le 13 novembre, les forces kurdes irakiennes appuyées par des frappes aériennes de la coalition ont repris à l'EI Sinjar (nord), coupant une route stratégique de communication utilisée par les djihadistes entre l'Irak et la Syrie voisine. L'EI s'était emparé de Sinjar en août 2014, se livrant à de multiples exactions contre la minorité yézidie, qui constituait la majorité de sa population.

- MOSSOUL: Deuxième ville du pays, à 350 km au nord de Bagdad et chef-lieu de la province de Ninive, Mossoul est tombée le 10 juin 2014 aux mains de l'EI qui y a proclamé un «califat». Elle comptait deux millions d'habitants avant sa prise par les djihadistes et l'exode de centaines de milliers de personnes.

SYRIE

- RAQA: Ville d'environ 300 000 habitants, Raqa (nord-est) est le fief de l'EI depuis janvier 2014 et sa capitale de facto en Syrie. La ville est l'un des objectifs majeurs de la coalition menée par Washington et dans une moindre mesure du régime syrien et de son allié russe. Les frappes aériennes sur la ville se sont intensifiées depuis la revendication par le groupe djihadiste des attentats de Paris le 13 novembre (130 morts) et de l'attentat à la bombe contre un avion russe qui s'est écrasé en Égypte le 31 octobre (224 morts).

- PALMYRE: La cité antique de Palmyre, qui ouvre sur le grand désert syrien, à 205 km à l'est de Damas, a été prise par l'EI le 21 mai 2015. Depuis, le groupe a procédé à des destructions du riche patrimoine archéologique de la cité, inscrite au Patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO.

- KOBANE: Ville kurde du nord de la Syrie, à la frontière turque, Kobané a été érigée en symbole de la lutte contre l'EI. L'EI en a été chassé le 26 janvier 2015 après plus de quatre mois de violents combats menés par les forces kurdes avec le soutien prépondérant des frappes de la coalition. Kobané (Aïn al-Arab en arabe) est le chef-lieu de l'un des trois «cantons» de la région où les Kurdes ont instauré une sorte d'autonomie après le début de la crise syrienne.

- TALL ABYAD: Ville frontalière de la Turquie, Tall Abyad a été reprise par les forces kurdes le 16 juin 2015. Tall Abyad, qui comptait 130 000 habitants avant le début du conflit en mars 2011, était une ville clé pour l'approvisionnement de Raqa et l'un des deux principaux points de passage informels avec la Turquie à travers lesquels le groupe transitait armes et combattants.