Des armes, des munitions, de l'entraînement. C'est la contribution militaire réclamée d'Ottawa par le ministre kurde des Affaires étrangères, Falah Mustafa Bakir, qui fait peu de cas de l'annonce de l'arrêt des frappes aériennes canadiennes contre le groupe armé État islamique (EI). La Presse l'a rencontré cette semaine à Montréal.

« Nous respectons la décision du Canada », répond d'emblée Falah Mustafa Bakir au sujet de la promesse faite par les libéraux de Justin Trudeau de cesser de participer aux frappes aériennes en Irak et en Syrie. « Mais nous demandons au Canada de continuer de nous appuyer », ajoute-t-il dans la foulée.

Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement régional du Kurdistan, en Irak, insiste cependant sur un point : « Ces frappes aériennes ont été efficaces, elles nous ont permis de gagner du territoire. »

Or elles ne sont qu'une composante de la guerre contre l'EI, et le Canada peut y participer de bien d'autres façons, estime le ministre Bakir, en évoquant avoir besoin d'« armes, de munitions, d'équipement, d'entraînement », ainsi que de soins médicaux pour les troupes kurdes.

Il ne juge pas non plus nécessaire l'envoi de troupes occidentales au sol, disant avoir « pleinement confiance » dans la capacité des Peshmergas, les combattants kurdes, de vaincre l'EI sur le terrain.

Il ajoute avec diplomatie que les troupes kurdes n'ont pas non plus besoin de l'aide de combattants étrangers indépendants.

« Bien que nous appréciions la pensée, nous croyons que la meilleure aide qu'ils puissent apporter est de faire pression pour un plus grand appui de leur pays aux Peshmergas. »

Le ministre croit fermement que l'EI peut être battu, et dit même être « en train de gagner », mais précise que c'est « l'idéologie » djihadiste qu'il faut « tuer » pour éviter que le groupe terroriste ne renaisse de ses cendres.

Pour y parvenir, il faut non seulement lui faire la guerre, mais il faut aussi « mettre un terme à ses activités économiques ».

Allégations de violations

Le ministre Bakir a aussi réagi aux allégations de violations commises par les combattants kurdes dans des villages arabes sunnites, dont La Presse a fait état mardi.

« Je ne suis pas en mesure de le nier catégoriquement, mais je ne crois pas que ces allégations sont fondées », a-t-il répondu, en ajoutant que les instructions sont claires pour les combattants : leurs seuls ennemis sont les djihadistes de l'EI.

Cependant, il rappelle que le pays est en « état de guerre » et que certains villages ont été piégés par l'EI au moment de les fuir ou encore que certains civils arabes sunnites se font complices des djihadistes.

Falah Mustafa Bakir assure néanmoins que ces allégations feront l'objet d'enquêtes.

Garder les réfugiés

« Nous ne voulons pas que la relation entre le Kurdistan et le Canada soit limitée à la lutte contre l'EI », affirme Falah Mustafa Bakir, dont le séjour canadien est à la fois politique et économique, avec des arrêts à Calgary, Toronto et Ottawa, en plus de Montréal, où La Presse l'a rencontré en marge d'un dîner avec des hommes d'affaires organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal.

« Nous souhaitons que le Canada augmente le niveau de sa présence au Kurdistan », leur a-t-il dit, en suggérant l'ouverture d'un consulat à Erbil, capitale de la région autonome.

Avec des villes et une économie largement détruites par les bombardements, la reconstruction ne se fera pas sans l'apport d'entreprises étrangères.

Le ministre plaide aussi pour une assistance humanitaire destinée aux quelque deux millions de déplacés internes et réfugiés venus de Syrie, une approche qui serait « moins coûteuse que de les accueillir au Canada », lance-t-il.

« Ces gens appartiennent à notre partie du monde. Ils aiment leur terre. Aidez-les là où ils sont. »