L'ex-tireur d'élite québécois Wali, que La Presse a suivi cet été en Irak alors qu'il partait se battre contre le groupe armé État islamique, est revenu au pays après trois mois passés au front. Retour sur sa mission au sein des forces armées kurdes.

Q Malgré le fait que vous ayez pris les armes en Irak, vous avez traversé très facilement la frontière canadienne à votre retour. Est-ce que ça vous a surpris?

R En arrivant à l'aéroport, j'ai dit au douanier que j'avais fait un documentaire aux côtés des Kurdes. Ils m'ont laissé passer sans poser plus de questions.

Ils n'ont rien fouillé. J'ai cependant été contacté depuis mon retour par la division du contreterrorisme de la GRC. J'avais établi une relation de confiance avec eux avant même mon départ. Je ne leur ai rien caché de mes intentions. À mon retour, ils m'ont offert de l'aide, ils m'ont demandé si j'allais bien psychologiquement. Ils m'ont aussi posé des questions sur les combattants que j'ai rencontrés là-bas. Ils voulaient savoir si j'avais pu voir des Canadiens parmi les combattants de l'EI.

Q Vous avez participé à deux opérations qui ont permis aux Kurdes de reprendre plusieurs villages des mains de l'EI. Vous auriez pu carrément y passer lorsqu'un véhicule a explosé tout près de vous. Est-ce que ça a calmé votre désir de combattre?

R Je reste encore sur mon appétit. Il faut que je me calme. J'aimerais repartir [combattre auprès des Kurdes], mais je dois maintenant me concentrer sur la phase deux de ma mission, la réalisation de mon documentaire. Comme soldat, ma contribution a été minime. C'est une goutte d'eau dans l'océan. Je pense que mon documentaire peut avoir encore plus d'impact. Mais je considère que j'ai tout de même contribué [au front] en étant à l'avant-plan pendant les opérations. Lors des offensives, la plupart des soldats restent à l'arrière. Ce n'était pas mon cas. Je sais exactement quels villages j'ai contribué à prendre.

Q Avez-vous tué des soldats de l'EI?

R Honnêtement, je ne le sais pas. La mire de mon arme ne me permet pas de le dire. De façon indirecte, oui, parce que j'ai aussi contribué à diriger des frappes aériennes en aidant un officier à signaler des positions précises, en utilisant ma boussole et mon GPS. Dans ces cas-là, c'est clair que oui (ça a provoqué des morts).

Q Vous espériez aider les soldats kurdes en leur montrant comment ajuster leurs armes pour les rendre encore plus précises. Ils ne se sont pas montrés réceptifs...

R Malheureusement, la curiosité des Kurdes pour ce que je voulais leur montrer ne dépassait pas deux minutes. J'ai été déçu. Ça aurait vraiment pu faire une différence. Mais il faut s'adapter aux mentalités. Le problème, c'est qu'ils ne veulent pas réellement de mentorat. Ce qu'ils désirent avant tout, c'est de l'argent et de l'équipement militaire.

Q Le premier geste posé par Justin Trudeau après son élection a été d'annoncer la fin de la contribution canadienne aux frappes aériennes de la coalition en Irak et en Syrie. Ça vous déçoit?

R C'est comme si l'on disait aux pompiers de retourner à la caserne alors que le feu qui ravage la maison est à moitié éteint. Mais en même temps, si le Canada retire ses forces aériennes, mais qu'il envoie 800 soldats faire du mentorat auprès des Kurdes, c'est peut-être encore mieux. Je ne sais pas... Moi, ce que je veux, c'est convaincre la population qu'il faut envoyer des soldats et des armes pour aider le peuple kurde. Si je peux contribuer à le faire avec mon documentaire, j'en serai très heureux.

Q Les premières images de votre documentaire donnent l'impression qu'on regarde un film de fiction. Est-ce voulu?

R Oui, mais ce n'est pas coulé dans le béton. Je veux montrer deux volets avec mon documentaire. D'abord, la réalité des combats, et ensuite, la culture du peuple kurde. Je veux montrer, à travers leur histoire, quel serait l'impact d'une victoire des fanatiques de l'EI sur la population en général. Je veux que les gens comprennent que les Kurdes sont nos amis.