Hafez Saïd, chef de l'organisation État islamique en Afghanistan et au Pakistan a été tué dans un tir de drone américain dans l'est de l'Afghanistan, un coup dur pour le groupe djihadiste qui veut s'implanter durablement dans cette région à cheval sur les deux pays.

La province afghane de Nangarhar, où a eu lieu le tir de drone, est devenue ces derniers mois le théâtre de violents affrontements entre les talibans et les militants de l'EI, eux-mêmes bien souvent d'anciens talibans déçus par leur direction et peu enclins à s'engager dans des pourparlers de paix avec le gouvernement de Kaboul.

Preuve des efforts de l'EI pour que son drapeau noir frappé de la profession de foi islamique remplace la bannière blanche des talibans dans la région: deux tirs de drone ont tué 49 de ses membres en début de semaine dans la même zone, selon les autorités locales.

D'après les services de renseignement afghans, Hafez Saïd a été tué vendredi alors qu'il «participait à une réunion avec d'autres cadres» de l'EI. Deux commandants affiliés à l'EI ont confirmé sa mort à l'AFP.

Au total, la frappe a tué «30 dirigeants de Daech», selon les services d'espionnage afghans utilisant l'acronyme arabe de l'EI dans un communiqué.

Le colonel Brian Tribus, un porte-parole des troupes américaines en Afghanistan, a confirmé qu'un tir de drone américain avait bien eu lieu dans cette province vendredi, sans toutefois préciser l'identité des personnes visées.

Les deux commandants de l'EI, et anciens membres des talibans, ont assuré à l'AFP qu'ils étaient présents au moment de la frappe. La dépouille d'Hafez Saïd «a été enterrée dans un endroit tenu secret» juste après l'attaque, ont-ils expliqué. Ils en ont réchappé uniquement parce qu'ils étaient assis «assez loin du lieu de la réunion».

Samedi, la direction de l'EI n'avait pas réagi à l'annonce de la mort d'Hafez Saïd.

Des objectifs différents 

Saïd avait été nommé en janvier à la tête de l'EI pour la «province du Khorasan», une région qui englobe l'Afghanistan, le Pakistan et certaines zones de pays limitrophes.

Depuis le début de l'année, nombre de combattants talibans ont fait défection et se réclament désormais de l'EI dans cette zone, et les accrochages entre insurgés rivaux se sont multipliés.

Ces transfuges sont autant grisés par les succès de l'EI au Moyen-Orient qu'ils réclament une preuve de vie du chef des talibans, l'invisible mollah Omar qui n'envoie que de très rares communiqués écrits.

Face à l'avènement de l'EI sur leur territoire, les talibans ont sommé le leader du réseau Abou Bakr al-Baghdadi de s'abstenir de s'implanter dans la région, faute de quoi ils «réagiront».

Or, les talibans et l'EI ont des visées bien différentes.

L'EI, qui contrôle déjà des pans entiers de territoire en Syrie et en Irak, ne fait pas mystère de sa volonté expansionniste. Les talibans, auteurs d'une offensive estivale d'envergure cette année, s'en prennent eux aux forces de sécurité afghanes et exigent le départ d'Afghanistan de la force résiduelle de l'OTAN composée d'environ 12 500 soldats étrangers.

En outre, des représentants des talibans se sont lancés cette semaine au Pakistan dans des pourparlers de paix officiels avec une délégation gouvernementale afghane. L'EI n'a de son côté aucunement l'intention de parler paix avec les autorités et pourrait à terme fédérer davantage de combattants talibans prêts à en découdre plutôt que de pactiser.

Le président afghan Ashraf Ghani et son homologue russe Vladimir Poutine se sont publiquement inquiétés de la progression de l'EI en Afghanistan. Mais à en croire le Pentagone, les djihadistes n'en sont à l'heure actuelle qu'à une «phase initiale d'exploration» dans le pays.