Les djihadistes du groupe État islamique (EI) ont élargi leur «califat» autoproclamé en repoussant les forces gouvernementales dans le centre de la Syrie et en avançant au détriment des rebelles dans le nord, fragmentant encore davantage le pays.

L'EI a en particulier étendu son contrôle près de la frontière turque, dans la province d'Alep (nord). Il y a capturé le village de Suran dimanche, à l'issue de trois jours de combats ayant fait 45 morts parmi les rebelles et 30 dans les rangs des djihadistes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Les djihadistes se trouvent à une dizaine de kilomètres de la frontière turque et s'approchent de la ville de Marea, située sur une route menant à la Turquie et cruciale pour le ravitaillement des rebelles.

Dans le centre de la Syrie, l'EI a capturé samedi un important point de contrôle situé sur un carrefour stratégique au sud de la cité antique de Palmyre, tombée aux mains des djihadistes le 21 mai.

Le barrage et le village proche de Basireh sont situés sur les routes menant à Damas au sud, à Homs à l'ouest et en Irak à l'est.

«La route est désormais ouverte (pour l'EI) de Palmyre à la province d'Al-Anbar en Irak, sans plus aucun obstacle», a indiqué Mohammed Hassan al-Homsi, un militant local.

Dans le nord-est, les djihadistes ne sont plus qu'à deux kilomètres de Hassaké, chef-lieu de la province éponyme. «Un combattant de l'EI s'est fait sauter lundi à un point de contrôle des forces progouvernementales près de Hassaké, faisant au moins neuf morts ainsi que des blessés parmi les forces du régime», selon l'OSDH.

«Une guerre ingagnable»

Depuis le début de la rébellion contre le pouvoir de Bachar al-Assad en mars 2011, le conflit en Syrie a dégénéré en une guerre civile complexe où djihadistes, rebelles et le régime cherchent à étendre leurs zones de contrôle.

Selon l'OSDH, l'EI contrôle actuellement au moins la moitié du territoire syrien, avec des bastions dans la province septentrionale de Raqqa et le désert oriental.

Selon le géographe français spécialiste de la Syrie, Fabrice Ballanche, «entre l'Irak et la Syrie, le groupe s'est emparé de près de 300 000 km2 de territoire», ce qui correspondrait au «11e pays arabe par sa superficie, derrière Oman, sur les 22 que compte la Ligue arabe».

Une alliance militaire dirigée par le Front al-Nosra, branche locale d'Al-Qaïda, domine par ailleurs la province d'Idleb (nord-ouest) après une série de victoires ces dernières semaines. D'autres groupes rebelles disposent de zones de contrôle dans le sud du pays.

Le pouvoir, quant à lui, «veut contrôler le littoral, les deux villes du centre du pays Hama et Homs, et la capitale Damas», selon un homme politique syrien proche du régime.

Le directeur de l'OSDH Rami Abdel Rahmane fait état de «pertes humaines» importantes du côté du régime, qui «en raison d'un manque énorme d'enrôlements» a dû se retirer de certaines positions stratégiques.

«Les forces armées et milices progouvernementales ne souhaitent pas se battre dans des zones où la population civile ne combat pas elle aussi», explique-t-il à l'AFP.

Les soldats souhaitent mener la bataille dans des régions à majorité alaouite (minorité religieuse dont est issu le président Assad) plutôt que dans les zones à majorité sunnite.

Une page Facebook prorégime qui publie des informations de Lattakié, fief des Assad, a déploré «les milliers de morts et de blessés» dans les provinces côtières, appelant les autres régions à prendre les armes pour alléger la pression sur les minorités.

Ces clivages à travers le territoire de la Syrie rendent «quasiment impossible d'envisager un État stable et viable dominé par l'une de ces trois principales forces qui se disputent le pouvoir en Syrie», souligne l'expert Aron Lund qui dirige le site Syria Crisis.

Même le «pseudo-califat (de l'EI) n'a réussi que par l'échec de ses adversaires», relève M. Lund, selon qui «une guerre comme celle de la Syrie est ingagnable».

La stratégie à adopter face aux avancées de l'EI en Syrie et en Irak sera au centre de la réunion mardi à Paris des pays de la coalition internationale antidjihadistes.

À cette occasion, les organisations humanitaires s'apprêtent à lancer un appel de fonds de 500 millions de dollars pour répondre à la crise en Irak, a annoncé lundi l'UNICEF, pour qui la situation dans ce pays «est proche de la catastrophe».