Les jeunes femmes occidentales qui partent rejoindre les territoires contrôlés par le groupe État islamique se condamnent à une vie de réclusion et de servilité conditionnée par la vision «fondamentalement misogyne» des dirigeants de l'organisation, prévient un groupe de recherche anglais.

Un manifeste d'une quarantaine de pages mis en ligne il y a quelques semaines par une branche de l'EI et traduit par le Quilliam Institute, basé à Londres, exalte le rôle d'épouse des femmes et leur «devoir divin de maternité» en fustigeant la notion d'égalité des sexes.

«Le modèle préconisé par les infidèles en Occident a échoué à partir du moment où les femmes ont été "libérées" de leur place à la maison [...] Le caractère erroné de ces idées a été mis en évidence par la décision de certains gouvernements de verser des salaires à celles qui retournent au domicile pour élever leurs enfants en acceptant leur rôle de «femmes au foyer»», indique le texte.

«Dieu a ordonné cette vie sédentaire pour les femmes et on ne peut imaginer meilleure organisation puisqu'Il est le Créateur et qu'Il sait ce qui fonctionne et ne fonctionne pas en religion», ajoutent ses auteurs, en précisant que les hommes sont appelés pour leur part à une vie de «mouvement».

«Les recruteurs de l'EI qui ciblent des Occidentales font valoir qu'une vie trépidante les attend, qu'elles seront même appelées à se battre en première ligne alors que dans les faits, ce n'est pas ça du tout», commente Charlie Winter, un expert du Quilliam Institute.

«Bien qu'il existe bel et bien en Syrie et en Irak quelques brigades policières formées uniquement de femmes, on voit bien que ce type d'activité - et le combat armé - figurent très loin sur la liste des responsabilités données aux femmes», relève M. Winter.

Dans les faits, insiste le manifeste, elles sont autorisées à combattre uniquement si une fatwa a été émise en ce sens dans une situation «où l'ennemi attaque le pays et que les hommes sont incapables seuls de le défendre».

Convaincre les femmes du Moyen-Orient

Le document de l'EI a été diffusé uniquement en arabe et non en anglais ou en français «parce qu'il a été jugé inefficace», voire contre-productif, par rapport aux efforts de propagande de l'organisation extrémiste en Occident, juge M. Winter.

Son but premier, au dire de l'analyste, était de convaincre des femmes du Moyen-Orient, et plus particulièrement d'Arabie saoudite, de rejoindre le califat.

Selon M. Winter, l'exposé «philosophique» qu'il contient permet de voir au-delà des «images» véhiculées par les médias sociaux pour comprendre le vécu des femmes vivant dans les territoires contrôlés par l'EI.

Lorne Dawson, un spécialiste en radicalisation rattaché à l'Université de Waterloo, juge pour sa part que l'EI ne cache pas véritablement la nature du rôle qu'elle entend leur conférer dans ses efforts de propagande.

«Ils donnent des conseils pratiques aux femmes comme d'amener du maquillage et des bijoux pour pouvoir se mettre belles parce qu'elles n'en trouveront pas sur place», relève l'analyste.

L'étalage des conceptions ultraconservatrices du groupe État islamique n'est pas nécessairement de nature à décourager toutes les femmes, ajoute-t-il.

Certaines d'entre elles plaquent un «regard romantique» sur l'idée d'unir leur destinée à celle d'un djihadiste perçu comme un «combattant héroïque».

Il peut aussi s'agir d'une façon pour une jeune musulmane soumise à de sévères exigences familiales d'accéder à une nouvelle vie sans déroger à ses valeurs religieuses, illustre M. Dawson.

«Ça peut être une manière de se rebeller tout en prétendant adopter un mode de vie encore plus exemplaire que celui de ses parents», souligne-t-il, en précisant que le phénomène reste relativement nouveau et peu étudié.

Mariage légitime dès 9 ans

Le manifeste du groupe État islamique relève qu'une fille peut légitimement être mariée à l'âge de 9 ans et que la plupart des filles «pures» le seront à «16 ou 17 ans». Le document précise par ailleurs qu'elles devraient recevoir une éducation sommaire de 7 à 15 ans. La religion, la lecture et l'écriture de «l'arabe coranique», les devoirs liés au mariage et au divorce, la couture et la cuisine figurent parmi les matières énumérées.