Environ 5000 membres de la minorité chrétienne des Assyriens ont pris le chemin de l'exode en Syrie après le rapt de dizaines des leurs par les djihadistes de l'État islamique (EI).

Alors que la guerre en Syrie entre dans sa 5e année après avoir fait plus de 210 000 morts, quatre parlementaires français ont rencontré mercredi le président Bachar al-Assad. Il s'agit d'une première depuis la rupture des relations diplomatiques entre Damas et Paris qui réclame le départ de M. Assad.

Près de 1000 familles ont fui leur domicile dans le nord-est syrien depuis lundi pour trouver refuge dans les villes de Hassaké et de Qamichli, «soit près de 5000 personnes», a affirmé à l'AFP Oussama Edward, directeur du Réseau assyrien des droits de l'Homme basé en Suède.

Cet exode a suivi l'enlèvement par l'EI de 90 chrétiens assyriens dans la province de Hassaké, bordée par la Turquie et l'Irak, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

D'après M. Edward, les otages sont entre 70 et 100, «en grande majorité des femmes, des enfants et des personnes âgées».

Quelque 30 000 Assyriens, une communauté parmi les plus anciennes converties au christianisme, vivaient en Syrie avant le début du conflit le 15 mars 2011, la majorité à Hassaké.

«Ici, la maison de l'EI»

«Mon épouse est originaire de Tall Chamiram, et quand elle a voulu joindre au téléphone la femme de son oncle, c'est un homme qui lui a répondu 'Ici, c'est la maison de l'État islamique'«, ajoute M. Edward.

D'après lui, les otages ont été emmenés à Chaddadé, un fief de l'EI dans la province de Hassaké.

Selon l'OSDH, l'EI cherche ainsi à venger de l'offensive kurde à Hassaké, appuyée par des frappes de la coalition internationale menée par les États-Unis.

«Ils savent très bien que prendre des otages chrétiens fera beaucoup de tapage au niveau international», explique M. Edward.

«L'EI perd du terrain et ils ont pris ces otages pour en faire des boucliers humains», a-t-il affirmé, estimant que le groupe tentera aussi d'échanger ses otages contre des prisonniers djihadistes aux mains des Kurdes.

Enfin, les djihadistes veulent s'emparer de Tall Tamer, une localité assyrienne dont le pont est important pour rejoindre la frontière irakienne à partir de la province d'Alep (nord), d'après M. Edward.

Selon l'OSDH, les combattants kurdes ont repris trois villages assyriens et une localité à majorité sunnite, mais les combats se poursuivent.

«Les Unités de protection du peuple kurde (YPG) ont repris Tall Chamiram, Tall Masri, Tall Hermel et Ghbeich», a indiqué son directeur, Rami Abdel Rahmane.

Un Australien combattant les djihadistes aux côtés des Kurdes a été tué dans ces combats mardi, a-t-il ajouté, précisant qu'il s'agit du premier occidental pro-kurde à trouver la mort.

Députés français à Damas

Il a précisé qu'à Tall Chamiram, les djihadistes ont brûlé partiellement une église. Dans la localité musulmane de Ghbeish, ils ont accusé les villageois de collaborer avec les Kurdes,  en ont décapité quatre, et incendié des maisons et une école.

À la faveur de la guerre en Syrie et de l'instabilité en Irak, le groupe extrémiste sunnite EI s'est emparé de larges pans de territoire dans ces deux pays, y commettant des atrocités - décapitations, nettoyage ethnique, rapts et viols - dénoncées comme des crimes contre l'humanité par l'ONU.

Pour Washington, «le fait que l'EI vise une minorité religieuse témoigne une fois de plus de son traitement brutal et inhumain de tous ceux qui ne sont pas d'accord avec ses objectifs».

La France a réclamé la libération immédiate des Assyriens enlevés.

Pour la première fois depuis la rupture en 2012 des relations entre Damas et Paris, quatre parlementaires français, de gauche et de droite, effectuent une mission en Syrie depuis mardi.

«C'est une mission personnelle pour voir ce qui se passe, entendre, écouter», a précisé l'un d'eux, Jacques Myard.

Le porte-parole du gouvernement français a souligné qu'il ne s'agissait pas d'une mission «officielle».

À Damas, l'opposant syrien Louay Hussein, détenu depuis trois mois, a été libéré sous caution dans l'attente de son procès prévu le 3 mars.

«Je veux absolument continuer mon combat, (...) avec encore plus d'énergie. Je resterai à Damas car si vous voulez vous battre pour votre pays, vous devez être chez vous», a déclaré M. Hussein, 55 ans.