Bâtiments éventrés, rues noyées sous les débris, quartiers déserts : la victoire des forces kurdes sur les djihadistes du groupe État islamique (EI) après plus de quatre mois de combats acharnés a transformé la ville syrienne de Kobané en champ de ruines.

Deux jours après une bataille devenue un symbole de la guerre civile qui déchire le pays depuis 2011, les combattants des Unités de protection du peuple (YPG), la milice du principal parti kurde de Syrie, règnent en maîtres sur une cité aux trois-quarts détruite, ont constaté des journalistes de l'AFP qui ont pu y entrer.

À la plupart des carrefours, des groupes de miliciens en tenues dépareillées, dont de nombreuses femmes, ont salué la présence des journalistes par des rafales de Kalachnikov tirées en l'air et en faisant le «V» de la victoire.

«Nous les Kurdes, nous sommes forts, nous n'avons peur de personne. Ici, c'est notre pays, ce sont nos maisons», a plastronné l'un d'eux, Ziad. «Il n'y a plus personne de l'EI ni aucun terroriste ici à Kobané, nous les avons repoussés et nous en sommes très contents», a renchéri un de ses frères d'armes, Saleh Youssef Saleg.

Tout autour d'eux, la silhouette décharnée des immeubles témoigne de la violence des affrontements et des nombreux raids menés par les bombardiers de la coalition internationale conduite par les États-Unis.

Dans certaines rues, des obus de mortier non explosés gisent encore sur les gravats, à côté de véhicules criblés de balles.

Le calme est revenu mercredi sur toute la ville, mais les opérations de «nettoyage» se poursuivaient dans les villages environnants. Toujours à l'affût dans le ciel de Kobané, les avions de la coalition ont mené mardi et mercredi 13 frappes qui ont permis de détruire douze véhicules djihadistes, a annoncé le Pentagone.

À Moscou, des opposants syriens tolérés par le régime de Damas et des émissaires du président Bachar al-Assad se sont retrouvés mercredi pour tenter de renouer un dialogue, rompu depuis l'échec des discussions dites de Genève II en février 2014.

Mais les ambitions de ces discussions restent très modestes compte tenu de l'absence de la Coalition nationale de l'opposition syrienne, considérée par la communauté internationale comme la principale force d'opposition au régime de M. Assad.

Ultimatum

La Coalition a exclu toute participation, estimant que les discussions devraient avoir lieu sous l'égide de l'ONU en pays «neutre», et non en Russie, soutien indéfectible de Damas.

«Personne n'a l'illusion que quelques jours de discussion vont résoudre tous les problèmes, mais il faut lancer les choses rapidement», a lui-même concédé l'hôte de la réunion, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, évoquant des «concessions inévitables dans la recherche d'un compromis».

Malgré sa défaite, très symbolique, à Kobané, le groupe État islamique, qui a perdu plus d'un millier de ses combattants dans la bataille, occupe encore de très larges portions des territoires syrien et irakien, semant la terreur et multipliant les exactions.

Dans une vidéo diffusée mardi, le mouvement a menacé d'exécuter le pilote jordanien Maaz al-Kassasbeh et l'otage Japonais Kenji Goto s'il n'obtenait pas libération sous vingt-quatre heures d'une djihadiste irakienne, Sajida al-Rishawi, détenue en Jordanie.

À quelques heures de l'expiration de cet ultimatum, le gouvernement jordanien a affirmé qu'il était prêt à libérer la djihadiste en échange de son pilote, selon la télévision d'État, mais à condition d'obtenir des preuves de vie.

En près de quatre ans, la guerre civile a fait près de 200 000 morts en Syrie et jeté sur les routes de l'exode plus de 3 millions de personnes qui ont fui les combats.

L'offensive djihadiste lancée mi-septembre dans la région de Kobané a poussé quelque 200 000 Syriens, pour l'essentiel kurdes, à trouver refuge en Turquie. Malgré la fin de la bataille, la frontière entre les deux pays est restée fermée mercredi.

«Nous ne laissons rentrer aucun réfugié jusqu'à nouvel ordre», a indiqué à l'AFP un responsable de l'agence turque responsable des situations d'urgence (Afad).

Arguant des raisons de sécurité, les autorités turques ont déployé d'importants effectifs de gendarmes et de soldats autour du poste-frontière de Mursitpinar, à quelques kilomètres de la ville de Suruç (sud), afin de prévenir toute traversée.

L'ampleur des destructions causées par les combats dans Kobané a largement retardé les rêves de retour des Syriens. «Notre patrie est notre bien le plus cher. Mais dans les conditions actuelles, un retour est tout simplement impossible à envisager», a confié à l'AFP Cemile Hasan, une enseignante de 36 ans réfugiée en Turquie.